Bijzondere
commissie "Klimaat en Duurzame Ontwikkeling" |
Commission spéciale "Climat et Développement
durable" |
van woensdag 28 januari 2009 Namiddag ______ |
du mercredi 28 janvier 2009 Après-midi ______ |
De vergadering wordt geopend om 14.38 uur en voorgezeten door de heer Patrick Dewael.
La séance est ouverte à 14.38 heures et présidée par M. Patrick Dewael.
01 De internationale voedselcrisis: uiteenzetting door de heer Olivier De Schutter, speciaal rapporteur van de Verenigde Naties voor het ‘Recht op Voedsel’
01 La crise alimentaire internationale: exposé par M. Olivier De Schutter, rapporteur spécial des Nations unies pour le ‘Droit à l’alimentation’
De voorzitter: Vooraleer ik aan de heer De Schutter het woord verleen, wil ik even aanstippen dat de opvolging van de internationale voedselcrisis een van de prioritaire thema’s is.
Ik breng in herinnering dat er op 11 juni 2008 een eerste vergadering werd gewijd aan dat thema. Op dat ogenblik heeft de heer De Schutter, speciaal rapporteur van de Verenigde Naties voor het ‘Recht op Voedsel’, een uiteenzetting gegeven over de globale uitdagingen van de internationale voedselcrisis. Daarna heeft ook de heer Philip Mikos, afdelingshoofd van de task force internationale voedselcrisis van het DG Ontwikkelingssamenwerking van de Europese Commissie een uiteenzetting gegeven over de Europese aanpak van de problematiek.
Ik stip ook nog even aan dat aan de vergadering van 11 juni en aan het debat ook vertegenwoordigers van geïnteresseerde sectoren hebben geparticipeerd. Ik verwijs naar de landbouworganisaties, ook organisaties die zich bezighouden met de ontwikkelingssamenwerking, biobrandstoffen, voedingsmiddelen. De bedoeling van de vergadering was om maatregelen uit te werken die België alleen of in het kader van de Europese Unie kan nemen, en ook voorstellen te formuleren om de crisis aan te pakken.
Ik vermeld ook nog dat de bijzondere commissie van oordeel was dat, in het kader van de internationale economische crisis, het probleem van de voedselcrisis zeker niet uit het oog mag worden verloren. Daarom is er opnieuw een vergadering georganiseerd. De heer De Schutter is aanwezig om de actuele situatie aan u toe te lichten. Uiteraard hebben wij opnieuw de vertegenwoordigers van de geïnteresseerde sectoren uitgenodigd om te participeren aan het debat.
Ik stel voor dat we eerst luisteren naar de heer De Schutter en vervolgens het debat daarover organiseren. Ik wil vragen dat, wanneer niet-parlementsleden, dus mensen van de verschillende sectoren, het woord wensen te voeren, zij zich kenbaar maken en aangeven namens wie zij spreken. Op het einde van de vergadering zullen we nagaan hoe wij onze verdere werkzaamheden zullen organiseren. In de Kamer, in de commissie voor de Buitenlandse Betrekkingen, werd namelijk gevraagd om te werken aan een resolutie om de regering te verzoeken ook een aantal concrete maatregelen te nemen.
Je vous propose d'écouter M. De Schutter qui va actualiser ce qui a été dit au cours de la réunion précédente. Je lui passe la parole.
01.01 Olivier De Schutter: Monsieur le président, je vous remercie beaucoup pour votre invitation et votre accueil.
Nous avons atteint le nombre d'un milliard de personnes qui ont faim. Nous en étions à 852 millions de personnes en 2004 et 2005, à 923 millions de personnes au début de l'année 2008. Nous venons de franchir le cap du milliard.
Chaque année, 5,4 millions enfants meurent de faim des causes directes ou indirectes de la malnutrition. La crise se poursuit. Avec la chute relative des prix qui a suivi le pic de mai-juin dernier, le risque était que le monde politique se désintéresse de la situation, en croyant qu'elle était réglée.
Je me réjouis que la Chambre des représentants continue de s'emparer de ce sujet et travaille sur les causes structurelles de la crise. En effet, cette relative baisse des prix n'a pas résolu le problème, et ce pour plusieurs raisons.
D'abord, parce qu'elle est relative. Les prix ont diminué par rapport au pic de juin 2008 sur les marchés internationaux, mais ils restent élevés en comparaison avec les niveaux que nous avions connus en 2002 et 2003. Beaucoup de pays importateurs de denrées alimentaires continuent de connaître des difficultés.
Ensuite, parce que les prix sur les marchés locaux et domestiques restent élevés. Ils n'ont pas du tout diminué dans les mêmes proportions que sur les marchés internationaux.
Enfin, parce que, autant les prix élevés constituaient un problème – on a estimé que chaque pourcentage d'augmentation des prix sur les marchés internationaux entraînait 16 millions de personnes supplémentaires dans une situation d'extrême pauvreté –, autant des prix bas ne constituent pas une solution. Car la très grande majorité des personnes qui ont faim sont des producteurs de nourriture, des petits paysans qui vivent sur de modestes parcelles de terre. Des prix bas ne les arrangent pas, puisque ce sont leurs revenus trop faibles qui sont la cause de leur situation de famine ou de malnutrition.
Le vrai problème ne se pose pas en termes de prix trop élevés ou trop bas, mais en termes de volatilité des prix. Ce phénomène rend imprévisible pour le producteur la planification de sa production et rend très difficile pour les États l'adaptation à cette fluctuation. Le vrai problème est que les prix payés par le consommateur sont trop élevés, tandis que les prix perçus par les producteurs sont trop bas.
L’écart entre ces prix n’a fait qu’augmenter depuis 25 ans de manière dramatique. Ceci est lié à l’allongement des chaînes de production et de distribution alimentaire et à la place trop importante sans doute qu’occupent les intermédiaires sur cette chaîne.
C’est sur ces questions qu’il faut travailler. Je voudrais pour introduire les discussions, rappeler ce qui s’est passé depuis juin dernier sur le plan international. Comme vous vous en souviendrez, le secrétaire général des Nations unies a constitué le 28 avril 2008 un groupe de travail de haut niveau réunissant l’ensemble des agences des Nations unies qui s’occupent de ces questions, y compris les trois agences de Rome: FAO, FIDA, Programme alimentaire mondial. On peut y ajouter des agences comme l’UNICEF, le programme des Nations unies pour le développement, ainsi que le secrétariat général des Nations unies.
Le directeur général de l’Organisation mondiale du commerce Pascal Lamy, le président de la Banque mondiale Robert Zoellick et le Fonds monétaire international représenté par Dominique Strauss-Kahn se sont associés à ce groupe de travail de haut niveau.
Ces différentes organisations ont voulu travailler ensemble. L’objectif très clair était que les États ayant à affronter les difficultés que cause la crise alimentaire mondiale puissent recevoir un ensemble de recommandations cohérentes.
Il s’agissait d’éviter que la Banque mondiale donne telle ou telle recommandation ou que la FAO recommande telle ou telle recette. Il fallait donner une réponse cohérente pour faciliter la tâche des États par rapport à la crise alimentaire mondiale. Ce groupe de travail s’est réuni à intervalles réguliers depuis. Il a produit un document intitulé: "Comprehensive Framework for Action" – le Cadre global pour l’action – qui énumère un ensemble de mesures que les États devraient prendre pour répondre aux défis auxquels ils doivent faire face.
Ce cadre global pour l’action a été d’abord présenté en juin à la Conférence de haut niveau qui s’est tenue à Rome sur l’initiative de la FAO. Il a été ensuite officiellement publié en juillet et il oriente aujourd’hui l’action des Nations unies dans ce domaine.
Ce document repose essentiellement sur deux piliers.
Le premier pilier consiste en un ensemble de mesures qui concernent l'aide d'urgence, le fait de venir au secours des populations qui ont faim.
Le deuxième est celui d'une aide à l'investissement au secteur agricole. On a en effet découvert que l'agriculture avait été le parent pauvre des politiques de coopération au développement et des budgets nationaux des États en développement depuis vingt ans. C'est d'ailleurs une des raisons pour lesquelles la crise s'est développée avec l'ampleur qu'on a connue au début de l'année 2008. Par exemple, le budget consacré à l'agriculture par les pays de l'OCDE dans leur aide publique au développement était de 18 à 19% en 1980 et est tombé à 4 ou 5% en 2007. C'est pourquoi le ministre Charles Michel insiste, à juste titre, sur le fait qu'il faut réaffirmer la priorité de l'agriculture dans les budgets de la coopération au développement.
Voilà les deux piliers sur lesquels repose ce document, le cadre global pour l'action.
Ce document constitue aujourd'hui en quelque sorte l'agenda de l'action de la communauté internationale. Parallèlement à ce document, le groupe de travail de haut niveau que préside le secrétaire général des Nations unies et que coordonne David Nabarro, sous-secrétaire général des Nations unies, est perçu comme le début d'une meilleure coordination qui devrait se poursuivre et se développer à long terme.
À l'origine, la proposition a été faite par le président français, Nicolas Sarkozy, d'un partenariat mondial sur l'agriculture et l'alimentation, aujourd'hui rebaptisé "Scénario mondial sur l'agriculture et la sécurité alimentaire".
Cette idée lancée par Nicolas Sarkozy à la Conférence de haut niveau de Rome des 3 et 5 juin 2008 a été reprise par le G8 dans ses conclusions adoptées sur la sécurité alimentaire et la crise alimentaire mondiale lors de sa réunion de Hokkaido tenue au Japon en juillet dernier. Le secrétaire général des Nations unies a, quant à lui, repris cette idée à son compte. C'est à ce partenariat global sur l'agriculture et la sécurité alimentaire qu'était notamment consacrée la conférence qui s'est tenue hier et avant-hier à Madrid, sur l'initiative du premier ministre Zapatero et du secrétaire général des Nations unies qui ont clôturé les travaux.
Ce partenariat mondial vise à élargir le travail de coordination au-delà des agences et des organisations internationales vers les États, tant des pays donateurs que des pays récipiendaires de l'aide internationale ainsi que vers la société civile et le secteur privé. L'idée est floue mais elle vise à avoir une meilleure coordination des efforts pour être à la mesure des enjeux, pour réagir de manière aussi efficace que possible aux défis que lance la crise alimentaire mondiale.
Cette idée d'un partenariat mondial sur l'agriculture et la sécurité alimentaire n'a pas fait l'unanimité. Deux types de craintes se sont exprimées. Une première crainte est que les organisations qui traitent, jusqu'à présent, les questions d'agriculture et d'alimentation, notamment la FAO, l'organisation des Nations unies pour l'agriculture et l'alimentation, le Fonds international pour le développement agricole (FIDA), également à Rome, et le Programme alimentaire mondial, soient marginalisées ou chapeautées par un processus où elles ne seraient pas suffisamment en position de leadership. Ce n'est pas ici une simple querelle de préséance dont il s'agit. Dans ces organisations onusiennes, le principe "un État, un vote" prédomine mais ce n'est pas celui que suivent le Fonds monétaire international et la Banque mondiale. Le partenariat mondial sur l'agriculture et l'alimentation est notamment dominé par un acteur très important qui est la Banque mondiale. Pour dire les choses autrement, certains craignent que ce partenariat mondial soit une manière de faire passer le centre de décision de Rome à Washington et de la FAO à la Banque mondiale.
Une deuxième crainte suscitée par ce partenariat mondial est que les gouvernements soient dépossédés de la possibilité de gouverner véritablement le processus de réponse à la crise internationale, avec l'arrivée du secteur privé en particulier, et que ce partenariat mondial soit une manière de ne pas vraiment répondre aux enjeux de la crise alimentaire mondiale. Je m'explique.
Ce partenariat mondial prend pour point de départ ce travail réalisé jusqu'à présent par le groupe de travail de haut niveau que j'ai évoqué, créé par le secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon, le 28 avril 2008. Or, dans ce document, sont abordées les questions d'urgence de type humanitaire, les questions de type macroéconomique concernant le soutien à l'agriculture, mais sont oubliées d'autres questions très importantes: les questions relatives à la gouvernance, au droit à l'alimentation, à la responsabilité des gouvernements vis-à-vis de leurs populations.
Je me suis personnellement battu pour que cette dimension des réponses à donner à la crise ne soit pas oubliée. On ne répond pas au véritable défi qui est le nôtre en donnant simplement au secteur agricole les moyens d'augmenter la production. On peut augmenter la production, avec les bonnes recettes technologiques, avec les bonnes semences, les bons engrais; on peut augmenter la production alimentaire mondiale et répondre à ce défi qui nous est lancé, qui est de doubler la production alimentaire mondiale d'ici 2050. Cela répond en partie d'ailleurs à une demande des pays occidentaux qui, à mon avis, n'est pas soutenable dans le long terme, si tout le monde devait rejoindre ce niveau d'exigence.
On peut donc augmenter la production, mais la vraie question est de savoir si cela suffira à régler le problème de la faim dans le monde. La faim ne vient pas de ce que les volumes produits sont insuffisants; la faim a sa source dans le fait que des populations entières n'ont pas les revenus qui leur permettent d'acheter la nourriture disponible sur les marchés. Si vous multipliez par deux le nombre de sacs de riz dans les supermarchés à New York, vous n'aurez rien fait contre la faim à New York: en effet, les personnes qui ont faim sont des personnes dont les revenus sont insuffisants.
Lutter contre la faim dans le monde suppose d'examiner les raisons de ces inégalités, de travailler à les réduire, de combattre la pauvreté. Pour cela, il faut des mécanismes qui permettent de responsabiliser les gouvernements, de contrôler la manière dont ils procèdent.
C'est à cela que sert le droit à l'alimentation.
Dans les travaux qu'il a consacrés à cette question, le prix Nobel de l'Économie 1998, Amartya Sen a montré que les famines n'avaient pas principalement pour origine une production alimentaire insuffisante. La famine vient de ce que tel ou tel secteur de la population voit soudain chuter ses revenus alors qu'ils ne sont pas protégés par des filets de sécurité sociale suffisants, alors que le gouvernement n'a pas des mécanismes de régulation qui permettent de garantir l'accessibilité à la nourriture suffisante, notamment l'accessibilité économique.
La faim a par conséquent des caractéristiques qui font qu'il ne s'agit pas simplement d'un problème technique que les agronomes ou les économistes peuvent résoudre. C'est un problème politique que le droit à l'alimentation et des mécanismes de gouvernance adéquats peuvent aider à résoudre.
Pour dire les choses brutalement, ma conviction est que si les gouvernements n'avaient pas de manière systématique, depuis trente ans, négligé le secteur agricole, méprisé les campagnes parce que les petits paysans n'ont aucune influence politique dans les pays en développement, les erreurs qui ont été commises ne l'auraient pas été et l'agriculture n'aurait pas besoin aujourd'hui d'être sauvée de la ruine.
Dans les réponses actuelles, il manque donc à la crise alimentaire mondiale ce troisième pilier, celui sur lequel repose le droit à l'alimentation. C'est ce pilier que j'ai essayé de mettre en avant dans mes travaux sur le droit à l'alimentation comme rapporteur spécial des Nations unies. Je suis ravi de constater que la FAO a, tout récemment, annoncé qu'elle abandonnait sa doctrine dite des deux pistes (aide humanitaire d'urgence et réforme de l'agriculture) pour ajouter une troisième piste fondée sur le droit à l'alimentation.
Le secrétaire général des Nations unies, dans son discours d'hier qui a clôturé les travaux de Madrid, a dit lui aussi qu'il fallait créer ce troisième pilier de la réponse coordonnée de la communauté internationale à la crise, pilier fondé sur le droit à l'alimentation, sur la reconnaissance que la faim n'est pas une catastrophe à laquelle on réagit en envoyant des C-130 chargés de sacs d'engrais. La faim a des causes politiques qui appellent des mécanismes qui responsabilisent les gouvernements par rapport à leur population.
Le secrétaire général des Nations unies qui a fait cette annonce sous-estime, à mon avis, son importance. Je crois que beaucoup de travail sera à faire dans le suivi de la Conférence de Madrid pour donner une consistance à ce troisième pilier.
Mesdames et messieurs, je vois là le rôle spécifique que la Belgique pourrait jouer.
La France et l'Espagne ont été largement en pointe des mobilisations qu'a connu derrière cette question la communauté internationale, avec le G8, mais la dimension du droit à l'alimentation est inexplorée jusqu'à présent. Si la Belgique veut faire autre chose que dupliquer des initiatives existantes, si elle veut envoyer un message spécifique, je proposerais qu'elle mette l'accent sur le troisième pilier émergeant dans un contexte où se crée cette opportunité.
Je terminerai en disant ceci. Vous me voyez rasséréné, mais une de mes frustrations, c'est que dans cette crise, on n'ait pas osé aborder ce que vous me permettrez d'appeler, de manière provocante, les vraies causes de la crise alimentaire mondiale.
Chacun connaît l'impact sur l'affolement des prix de la demande inouïe d'agrocarburants par les États-Unis, qui ont consacré un tiers de leur production de maïs en 2008 aux agrocarburants, alors qu'ils en étaient les principaux exportateurs dans le monde. Chacun sait que la course vers la chimérique indépendance énergétique a continué à accentuer la spéculation sur la terre dans des pays comme le Brésil, l'Angola, le Pakistan, Madagascar, où 1.300.000 hectares pourraient être loués pour 99 ans à Daewoo Logistics, une firme sud-coréenne pour répondre aux besoins énergétiques et alimentaires de la Corée du Sud.
Chacun sait que le système commercial international est profondément inéquitable et qu'il enferme les pays en développement dans la production de matières premières agricoles, où les biens de production sont limités, pays dont la capacité de progresser sur l'échelle du développement est limitée ce qui, très souvent, les expose à des flambées d'importation qui détruisent leur agriculture.
Je présenterai d'ailleurs au mois de mars au Conseil des droits de l'homme un rapport sur l'Organisation mondiale du commerce et le droit à l'alimentation. Je ferai des propositions très concrètes pour que l'on soit plus attentif dans la régulation du commerce international à la dimension du droit à l'alimentation.
J'ai bénéficié du soutien, que je dois saluer, de Pascal Lamy, le directeur général de l'OMC, qui est conscient du problème et du fait que l'agriculture ne peut pas être traitée comme une marchandise. Mais dire cela ne signifie rien. Comment alors doit-elle être intégrée au commerce international? C'est la question que mon rapport essaye d'aborder.
Ces questions-là, agrocarburants, questions liées à la terre, à la réforme du commerce international, sont des questions que l'on n'ose pas aborder! C'est tellement plus confortable de ne pas faire son examen de conscience! C'est tellement plus confortable de poursuivre des politiques - dont on a vu l'impact qu'elles pouvaient avoir: sources de déséquilibres, sources de ruine de l'agriculture des pays en développement -, en se donnant bonne conscience par l'envoi d'argent pour compenser les dommages que l'on a causés!
Ce n'est pas une réponse soutenable. On ne peut envoyer pendant des générations des sacs d'engrais et de semences pour compenser des problèmes structurels dans l'organisation de l'agriculture.
Je crois qu'il y a certainement une réponse de la communauté internationale mais qu'elle est insuffisante. Elle doit aller plus loin.
Je propose de m'interrompre ici et de répondre à vos questions pour éclairer vos discussions.
Je voudrais vraiment plaider pour que la Belgique ne refasse pas ce que d'autres font déjà. Il y a des choses qui ne sont pas faites, il y a des pistes qui ne sont pas explorées, il y a des questions que l'on n'ose pas poser. La Belgique peut le faire car c'est un pays respecté dans les enceintes internationales, mieux respecté que beaucoup de grands pays dont on soupçonne que les positions de leurs gouvernements sont dictées par les intérêts économiques dont ils assurent la défense. La Belgique n'a pas à subir cette suspicion, elle peut apporter beaucoup dans le dialogue international sur la crise. J'espère que la présidence belge de l'Union européenne au second semestre 2010 permettra de continuer à mettre cette question à l'agenda de la communauté internationale.
(Applaudissements)
(Applaus)
De voorzitter: Merci
beaucoup, monsieur De Schutter.
In een eerste ronde zullen we een sprekerslijst aanleggen. Daarna kan ik de heer De Schutter vragen om op hun opmerkingen te repliceren en kunnen we eventueel nog een tweede ronde houden.
01.02 François Bellot (MR): Monsieur le président, monsieur De Schutter, vous avez abordé, dans votre intervention, la question des investissements dans le secteur agricole en citant deux chiffres: 18% en 1980 et 4% en 2007. Plusieurs investissements actifs dans les pays en voie de développement sont dirigés vers des productions dans des pays qui ont été incités par la Banque mondiale à obtenir des devises, notamment en ce qui concerne la culture du coton dans certains États. L'activité agricole en tant que telle existe bel et bien. Toutefois, certains choix d'investissement malheureux ont été opérés par le passé dans des pays à l'agriculture très active, créant un déséquilibre entre l'offre et la demande de produits alimentaires. Quelle réflexion vous inspirent ces choix?
S'agissant des pays du groupe BRIC (Brésil, Russie, Inde, Chine), vous avez parlé des agrocarburants. Il s'agit d'une voie de réorientation des investissements agricoles. Quand on détermine le pourcentage des investissements agricoles consentis dans plusieurs pays, cela cache, comme dans le cas du coton, de nouveaux choix qui ont été opérés. Ainsi, d'importantes zones de prairies ont été transformées en cultures qui ne sont pas destinées à l'alimentation.
Vous avez parlé de la responsabilité des États d'assurer la production de matières pour leur population. Au Brésil, elle dépasse les besoins de ses habitants. Or nous savons que ce pays est aujourd'hui beaucoup moins exportateur de céréales qu'antérieurement. S'agit-il d'une responsabilité des gouvernements pour leur propre population? Certainement, mais incombe-t-elle aussi à certains États très grands producteurs envers d'autres qui, pour des raisons de climat notamment, sont incapables de s'autosuffire?
01.03 Jean Cornil (PS): Monsieur le président, d'abord, j'aimerais remercier Olivier De Schutter, comme d'habitude pour la qualité, la clarté et la conviction de son analyse.
Monsieur De Schutter, lorsque vous étiez venu à la précédente réunion de la commission Climat, en juin, vous aviez mis en évidence quatre grands éléments, jouant dans des proportions inégales dans la crise structurelle alimentaire. Vous l'avez dit et je viens de relire le communiqué d'Oxfam publié hier: la crise alimentaire mondiale se dégrade.
Vous aviez donc pointé quatre grands éléments: l'augmentation du prix du pétrole, le déséquilibre entre l'offre de la production agricole et l'évolution de la demande, la question des agrocarburants et la question de la spéculation sur les denrées alimentaires. À l'époque, la crise financière étant en germe, les prix du pétrole et de l'énergie étaient au plus haut.
À la lumière des évolutions depuis ces sept derniers mois, je voulais entendre votre appréciation quant au poids et à l'évolution de ces quatre éléments décisifs.
Le prix du pétrole a-t-il diminué? Que pensez-vous de l'évolution de l'offre et de la demande? Vous aviez parlé de telle sorte qu'une partie de la solution pouvait résider dans la création de stocks non seulement nationaux mais aussi régionaux.
Vous aviez parlé de la question des agrocarburants. À l'époque, nous avions interrogé le représentant de la Commission européenne sur les importations d'huile de palme en provenance de Malaisie et d'Indonésie. Y a-t-il une évolution dans la prise de conscience de la nécessité d'y assortir au minimum des critères sociaux et environnementaux dans la perspective d'un développement durable, ou bien, en fonction de la position de chaque pays producteur, les évolutions restent-elles peu sensibles?
Enfin, la question de la spéculation sur les denrées à laquelle notre groupe est particulièrement attentif: y a-t-il une évolution? Si oui, dans quel sens?
Je voulais conclure en demandant à M. De Schutter son appréciation sur un phénomène que vous venez d'évoquer: l'achat-location de très grands nombres de terres de certains pays par d'autres, par des fonds souverains. Une remarquable enquête a été publiée dans la presse française sur la politique de l'Égypte pour l'achat de terres au Mali, sur la politique de la Chine pour l'achat de terres (il est question de millions d'hectares) au Congo. Cette politique-là fait-elle l'objet d'une réflexion en termes de répartition et de propriété des terres au niveau international?
01.04 Georges Dallemagne (cdH): Monsieur le président, monsieur De Schutter, merci de faire régulièrement le point avec nous sur cette grande question. Le moins que l'on puisse dire, c’est que, depuis le mois de juin de l’année dernière, la crise s’est aggravée; cependant, il semble bien qu’elle ne soit plus dans les radars de la communauté internationale ou en tout cas qu’elle ne retienne plus le même niveau d’attention politique. En effet, d'autres crises sont malheureusement passées par là entre-temps.
Vous avez fait le point sur l’ensemble des initiatives politiques qui sont en cours: le groupe de travail de haut niveau, le partenariat mondial.
Quelle est votre évaluation de ce qui a été fait concrètement pour essayer d’endiguer cette grave crise? Aujourd’hui, quels sont les opérateurs qui, sur le terrain, sont les plus actifs? Quelles sont les initiatives majeures qui sont en cours pour essayer de faire face à cette crise alimentaire extrêmement grave?
A-t-on dépassé le stade des grandes conférences et des rapports? Y a-t-il pour l’instant des initiatives? De la part de quels opérateurs internationaux ou européens? Quelle appréciation faites-vous de notre politique gouvernementale en matière de lutte contre la crise alimentaire?
Il y a eu aussi des discussions sur des fonds qui devraient être débloqués? Où en sont les initiatives concrètes pour essayer de faire en sorte que, lors de votre prochaine visite, les chiffres n’auront pas encore augmenté?
Vous avez parlé des éléments sur lesquels nous devrions travailler, notamment la question du commerce international. Vous avez évoqué la question de l’hyper concentration du secteur agroalimentaire au niveau mondial. Les opérateurs sont de plus en plus gigantesques. Nous sommes inquiets des possibilités existantes dans certains cas: l’entente sur les prix, le dumping, la distorsion de règles normales. La différence entre le prix d’achat au producteur et le prix de vente au consommateur devient extrêmement importante. Quelles sont les actions qui pourraient être menées?
En Europe, il existe une série d’instruments pour éviter ces ententes, ces dumpings, etc. Ces instruments n’existent pas au niveau international. Faites-vous des propositions dans ce domaine là? N’est-il pas temps que la communauté internationale s’équipe d’instruments qui permettraient d’éviter les hyper concentrations et ses effets, notamment d’entente sur les prix? Ces ententes sont toujours évidemment à la hausse sur les prix pour les consommateurs et à la baisse pour les producteurs de produits alimentaires.
Ma troisième question porte sur les accords de partenariat économique. C'est aussi un sujet que nous abordons de temps en temps au Parlement. Certains d'entre nous souhaiteraient que les produits agricoles soient traités de manière particulière dans le cadre des accords de partenariat économique entre l'Union européenne et les pays ACP. N'y a-t-il pas lieu de prévoir un traitement particulier concernant les produits agricoles dans le cadre de ces accords qui sont en discussion entre les pays ACP et l'Union européenne?
Vous avez par ailleurs parlé du droit à l'alimentation. J'aurais aimé avoir plus de détails sur les éléments concrets qui permettraient d'avancer dans ce domaine. Que signifierait ce droit à l'alimentation sur le plan international au niveau des textes et des juridictions?
Enfin, nous nous penchons également sur le sujet de la spéculation financière; Jean Cornil l'a évoqué. Au cours de nos travaux, nous avons vu que ce sujet était complexe sur un plan technique. Selon vous, comment peut-on éviter une spéculation qui a tendance à renforcer l'insécurité alimentaire et la cherté des prix? En revanche, quels éléments relèvent-ils de situations plus acceptables?
Telles sont les questions que je me pose à ce stade de la discussion.
01.05 Thérèse Snoy et d'Oppuers (Ecolo-Groen!): Monsieur le président, beaucoup de questions ont déjà été posées.
Monsieur De Schutter, j'ai été frappée par votre affirmation selon laquelle il fallait responsabiliser les gouvernements concernant le droit à l'alimentation de leur population. Il est évident qu'on ne peut qu'être d'accord avec vous. Parallèlement, on a l'impression que des gouvernements de pays pauvres, moins avancés, éprouvent de grandes difficultés pour assurer ce droit à cause des règles internationales qui s'imposent à eux et de l'interdiction qui leur est faite de protéger leurs marchés contre des importations à bas prix. Celles-ci provoquent une distorsion des marchés et ont pour conséquence que les paysans ne peuvent plus survivre. Comme vous l'avez fait remarquer dans certains de vos rapports, parmi tous ceux qui ont faim, il y a majoritairement des paysans. Tel est l'invraisemblable paradoxe.
La notion de souveraineté alimentaire intervient donc également. Cette notion semble encore assez peu solidifiée sur le plan du droit international. Ne pensez-vous pas que celle-ci devrait être aussi bien défendue que le droit à l'alimentation? Quel lien faites-vous entre ces deux concepts?
Jusqu'à quel point un pays ne devrait-il pas avoir d'abord l'obligation de produire ce qui peut nourrir sa population, sans vouloir pour autant fermer toutes les frontières?
Ne faudrait-il pas ajouter au droit à l'alimentation le droit d'accès à la terre? On sait que les paysans sont parfois chassés de leurs terres par des sociétés qui s'approprient de grands territoires, parfois avec la complicité des gouvernements, pour cultiver des agrocarburants ou des produits destinés à l'alimentation du bétail dans nos pays riches.
Au niveau des investissements, notre ministre prône de plus grands investissements dans la coopération au développement pour l'agriculture. Mais la question est de savoir quels types d'investissements doivent avoir la priorité. Ne doit-on pas favoriser le soutien à la paysannerie locale et à l'agriculture vivrière?
Je voudrais enfin vous demander quelles conséquences cela aura sur nos politiques européennes. Là aussi, la Belgique peut jouer un rôle. Notre objectif de 10% d'agrocarburants ne doit-il pas être remis en cause étant donné qu'il dépend actuellement principalement d'importations?
Dans la politique agricole commune, pensez-vous qu'il faille, pour assurer la souveraineté alimentaire de l'Union et la protection des exploitants agricoles qui sont en train de disparaître notamment en Belgique, maintenir certains instruments de gestion de l'offre et des mécanismes de régulation du marché, même si la tendance va actuellement dans l'autre sens?
01.06 Rita De Bont (Vlaams Belang): Mijnheer de voorzitter, de inleiding van de uiteenzetting vond ik enorm interessant, maar dan ging de heer De Schutter over tot een vager discours. Ik denk dat hij het zelf ook vaag heeft genoemd. Het ging dan over een globaal actiekader, over internationaal partnership, over allerlei internationale organisaties die vrezen dat zij aan invloed zullen gaan inboeten. Hij heeft zelf gezegd dat dit mogelijk een manier is om niet echt een antwoord te bieden op de wereldvoedselcrisis. Die bedenking maakte ik mij ook.
Mijnheer De Schutter zei dat men de productie kan verhogen en dat geloof ik ook. Hij vroeg zich af of dat voldoende zou zijn en dat we moesten zoeken naar de werkelijke reden. Daar begeven we ons, denk ik, voor een groot gedeelte op glibberig terrein, op politiek terrein. Ik denk dat het daar hoofdzakelijk aan politieke moed ontbreekt om de werkelijke reden te onderzoeken. Niet alleen in de landen waar er hongersnood is, ontbreekt het aan politieke moed, ook in de landen van het Noorden ontbreekt het aan de nodige moed om die leiders en regimes op hun verantwoordelijkheid te wijzen.
Mijnheer De Schutter, u hebt twee interessante vragen gesteld en ik zou graag weten of die ergens worden onderzocht of beantwoord. U hebt ten eerste gezegd dat men een geleidelijke toename heeft van het aantal personen dat in armoede en dus in hongersnood leeft. Ik vraag mij af of men die toename in kaart kan brengen. Is die toename hoofdzakelijk te wijten aan bevolkingstoename in landen waar er vroeger reeds hongersnood was? Dan moet daarop misschien worden ingegrepen of is het hoofdzakelijk in andere landen? Dan kan misschien worden onderzocht wat mogelijk aan de basis ligt van die hongersnood. Dat is een eerste vraag.
In uw inleiding hebt u, mijns inziens, een tweede belangrijk punt gemaakt, namelijk dat de echte problemen te vinden zijn in de prijs die de consument betaalt en die steeds maar toeneemt of te hoog is, en de prijs die de producent krijgt en die te laag is, en dat eigenlijk het verschil tussen deze twee steeds groter wordt. U poneerde daar een interessante stelling. Ik zou graag weten of men ook daar naar de oorzaak zoekt. Heeft de oorzaak van die toename te maken met verwerking van de voeding, met transport, met internationale bewegingen, of met overdreven winsten die worden gemaakt? Ik zou graag vernemen of daar studies over bestaan en of de wereldorganisaties zich over dit probleem buigen.
01.07 Thierry Kesteloot: Mijnheer de voorzitter, bedankt om mij het woord te verlenen. Hartelijk dank, ook, om het debat dat al eerder is gevoerd, voort te zetten. Ik denk dat wij, met de verschillende ngo’s, regelmatig een steentje bijdragen tot het debat, zoals op 16 oktober onder andere.
Wij hebben ook een brief verstuurd naar aanleiding van de discussie over de resolutie die in de commissie voor de Buitenlandse Zaken zal worden goedgekeurd.
Mijnheer De Schutter, ik heb twee vragen aan u.
Vous avez parlé du droit à l'alimentation et j'ai compris votre intervention qui présentait ce droit de la perspective des pays en voie de développement. Ma question porte sur la responsabilité des pays occidentaux, entre autres la Belgique dans l'engagement du droit à l'alimentation. Les réponses face à la crise alimentaire me semblent plutôt être le fait de la coopération au développement mais je ne vois pas vraiment de cohérence dans les nombreuses politiques agricoles, commerciales, énergétiques ou autres ayant un impact sur le droit à l'alimentation. Quelle est l'implication et la responsabilité de la Belgique dans la question de ce droit à l'alimentation?
Ma deuxième question est liée à la souveraineté alimentaire. Dans les discussions des panels internationaux, la tendance est de donner des réponses universelles: distribuer plus d'engrais ou libéraliser les marchés semblent être des réponses universelles au problème de la faim. On constate qu'elles ne sont pas adéquates. Par contre, le droit à la souveraineté alimentaire permet aux pays et aux populations de définir leurs propres priorités dans des contextes parfois très différents d'un pays à l'autre, que ce soit en matière de moyens de production, d'accès à la terre, de crédits, d'investissement, d'inégalités de marché mais aussi de régulation nécessaire des marchés agricoles. Un des grands problèmes est de trouver une réponse à la variabilité, à la volatilité de ces marchés. Le droit à la souveraineté alimentaire n'est-il pas une réponse forte que la Belgique devrait soutenir?
01.08 Marek Poznanski: M. De Schutter a très bien montré que la volatilité des prix était un problème essentiel, quand les prix étaient au plus haut mais aussi aujourd'hui. Tout le monde s'accorde à dire que ce problème va se poser et se pose déjà. La question de la fluctuation des prix est directement liée à la question des stocks, au non-fonctionnement ou à l'absence de stocks. Lors de la hausse des prix de l'année dernière, les stocks étaient au plus bas. C'est sur cette absence de stocks que s'est greffée la spéculation. Les spéculateurs ont été les premiers à analyser correctement la question de l'absence de stocks et la possibilité de spéculer qui en résultait.
À l'époque, il a été reconnu que ce problème des stocks était essentiel. Cependant, ceux qui voulaient éviter qu'on s'attaque à la dérégulation, et notamment toute une série de membres de la Banque mondiale, ont dit: "Ne régulons pas trop; il suffit pour régler la question des stocks d'en créer des virtuels". C'était l'idée suggérée pour influer sur la volatilité. Aujourd'hui, nous n'en entendons plus parler, parce que la crise financière est apparue depuis lors. Les gens se sont rendu compte à quel point des stocks virtuels le restaient! Ce problème persiste donc.
Lors de votre dernière visite, vous aviez aussi proposé que la Belgique prenne une initiative en ce domaine. Je me demande s'il ne conviendrait pas mieux d'inscrire cette question dans l'agenda international, en particulier en raison de l'élection d'Obama. En tout cas, elle mériterait d'être posée par la présidence belge. L'Union européenne régule, non seulement pour son marché intérieur, mais aussi en tant que grand acteur international - comme la Chine ou les États-Unis. Ce problème des stocks est tout à fait central dans les pays en voie de développement, tant du point de vue local que national. En effet, non seulement les stocks remplissent un rôle régulateur, mais ils permettent aussi en période de récolte d'éviter l'effondrement des prix. Nous nous rendons compte que les différences de prix, notamment dans les pays sahéliens, entre l'époque de la récolte et le moment où les greniers sont vides sont énormes.
Nous parlons de réalités différentes, mais le rôle micro-économique aussi bien que macro-économique des stocks peut se révéler très important.
01.09 Piet Vanthemsche: Mijnheer de voorzitter, ik dank de heer De Schutter voor zijn uiteenzetting.
Wij zijn ook van mening dat de onderliggende structurele en politieke oorzaken die vorig jaar werden opgesomd en die aan de basis zouden liggen van de voedselcrisis niet zijn verdwenen, dat ze nog bestaan, maar dat ze worden gemaskeerd door een aantal andere fenomenen die het gevolg zijn van de huidige financiële en economische crisis. De financiële en economische crisis heeft een belangrijke impact op landbouw en voeding, zowel in ons land als in andere delen van de wereld.
Mijnheer De Schutter, wat mij opviel in uw uiteenzetting is de nadruk die u legt op de problematiek van de volatiliteit van de prijzen. Voor onze boeren is een grote prijsvolatiliteit een zulkdanig groot element van onstabiliteit dat individuele familiale landbouwbedrijven daarmee niet kunnen leven. Er bestaan termijnmarkten voor grondstoffen. Een termijnmarkt is een instrument om die volatiliteit te beheersen. Blijkbaar werken die echter niet of niet voldoende.
Mijn vraag is heel concreet. In de instituten van de Verenigde Naties wordt er nagedacht over het globale kader waarbinnen wij een aantal dingen gaan organiseren. Zijn er binnen de instituten van de Verenigde Naties initiatieven en voorstellen om die grote volatiliteit van de prijzen te verhelpen? Wij kennen de oorzaak ervan, de elastische markt, enzovoort, maar heeft men ideeën daarover op het globale niveau? Wat gebeurt er immers? Als wij in Europa daarmee worden geconfronteerd, dan vragen onze landbouworganisaties aan onze Europese overheid om een aantal mechanismen in werking te zetten om onze prijzen te stabiliseren. Hetgeen men doet in Europa heeft echter impact elders in de wereld. Daarover zijn wij het eens.
De heer Kesteloot zegt dat hij mij een brief gaat schrijven over de beslissing die de Europese Raad heeft genomen over de zuivelproducten en de ondersteuning van de zuivelproducten. Eigenlijk kan men dat alleen maar oplossen als men op het globale niveau een aantal mechanismen afspreekt waarmee men dit tracht te beheersen. Vandaag zijn die er niet. Integendeel, bij de onderhandelingen over de Wereldhandelsorganisatie bouwt men ze af.
Mijn vraag is dus de volgende. Wat zijn de ideeën bij de instituten van de Verenigde Naties om hiervoor wereldwijd, globaal een aantal oplossingen aan te reiken die vermijden dat wat wij regionaal doen gedeeltelijk een ongewenste impact heeft in andere delen van de wereld?
01.10 Olivier De Schutter: Monsieur le président, je tiens à remercier tous les membres de cette commission pour la pertinence de leurs questions.
Permettez-moi, tout d'abord, de répondre à la dernière d'entre elles relative à la volatilité des prix car elle me semble centrale. Elle est évidemment liée à la question de la spéculation financière.
Pour répondre à cette question, je voudrais évoquer deux pays: le Canada et le Mali.
Pour quelques matières agricoles (le lait, les œufs, le poulet, le dindon), le Canada dispose d'un mécanisme de gestion de l'offre. Autrement dit, les producteurs reçoivent un prix fixé d'avance pour leur production. Ce prix est stable au fil des années. Cela est possible grâce à un système de quotas qui définit combien les producteurs vont produire pour répondre aux besoins de la population.
On pourrait croire qu'à cause de ce régime, le prix des œufs ou du lait soit plus élevé au Canada qu'aux États-Unis, par exemple, où la libéralisation est complète. Or, c'est le contraire. Pourquoi? Parce que le consommateur n'a pas à subir la "prime de risque" payée par lui dans un régime de prix plus instable.
Ce genre de mécanisme de gestion de l'offre, qui suppose qu'un pays puisse se protéger contre les importations de produits à bas prix qui ne permettent pas d'assurer la stabilité des prix des produits sur le marché; ce genre de mécanisme, disais-je, est menacé par la libéralisation continue des matières premières agricoles dans le cadre de l'OMC.
Le Mali a, quant à lui, dégagé en 2008, un surplus de production de riz de 100.000 tonnes. Les paysans ont proposé de stocker ce surplus plutôt que de le vendre sur les marchés internationaux. Pourquoi? Parce l'année suivante, les récoltes seront peut-être moins bonnes, et l'on pourra alors se servir de cette réserve pour écouler du riz sur le marché et ainsi éviter une hausse du prix du riz. La Banque Mondiale s'y est opposée. Pourquoi? Parce que, ce faisant, les signaux des prix ne seraient plus les bons ("market distorting"). Les mécanismes de détermination des prix par le marché ne fonctionneraient plus. Aujourd'hui, les paysans maliens sont désespérés. Je relève d'ailleurs que l'on interdit au Mali de faire ce qui se fait communément dans la Communauté européenne depuis les années '50.
Ceci est une manière, au fond, de répondre à la question. La meilleure manière de lutter contre la spéculation – ainsi que l'un des intervenants l'a très justement dit - n'est pas d'essayer de réguler des symptômes, ce n'est pas la publicité pour des fonds qui contiennent des produits agricoles. C'est très difficile de faire cela et la Belgique ne pourrait pas le faire seule. En réalité, il est aussi très difficile de distinguer la spéculation nocive d'investisseurs non commerciaux de la bonne spéculation, du bon investissement. Les marchés internes peuvent être une source de stabilité et de revenus pour les producteurs qui peuvent anticiper le prix auquel ils pourront vendre le cas échéant grâce à ce mécanisme des marchés à terme.
La meilleure façon de lutter contre la spéculation, c'est d'autoriser et d'encourager la constitution de réserves alimentaires, de stocks alimentaires qui permettent une gestion de l'offre. Ceci ne doit pas se faire au détriment des autres pays, c'est une évidence, ce qui suppose qu'on n'utilise pas ces stocks, lorsqu'ils sont excédentaires, pour opérer un dumping des matières agricoles sur les marchés d'autres pays. C'est cela qui a constitué le problème et a provoqué les critiques justifiées à la Politique Agricole Commune pendant des années dont les pays en voie de développement ont tellement souffert, en particulier en Afrique subsaharienne.
Ces réserves alimentaires, on en parle de plus en plus. Dans sa réunion de Hokkaïdo en juillet 2008, le G8 a évoqué une réserve alimentaire virtuelle sur le plan mondial. L'idée était que 4 ou 5% des matières premières agricoles produites fassent l'objet d'un prix défini, que les pays exportateurs comme les pays importateurs voient garanti. Ceci pour éviter des situations comme celle de mars 2008 où la Thaïlande et l'Inde, voyant augmenter très rapidement le prix du riz, ont fermé leurs frontières à l'exportation, ce qui a conduit les Philippines à acheter le riz à 1.200 dollars la tonne alors qu'ils s'attendaient à ne devoir payer que 600 dollars la tonne, victime de ces fluctuations folles, en pays grand importateur de riz.
Une réserve alimentaire virtuelle au plan mondial, cela veut dire une solidarité entre les pays qui permettrait de stabiliser les marchés internationaux. C'est une piste – et c'est réalisable techniquement – qui suscite l'intérêt du G8 et c'est sans doute la meilleure façon, la plus évidente, d'éviter ce problème de volatilité.
Même si je crois qu'il est beaucoup plus facile d'agir sur un plan régional que sur le plan international, comme il serait souhaitable, c'est en tout cas une piste qui mérite d'être explorée. Une autre possibilité serait de revenir aux accords de stabilisation des matières premières que l'on a connus dans les années 60 et 70 et qui se sont écroulés vers la fin des années 80. Ceci est cependant beaucoup plus difficile à réaliser.
C'est effectivement quelque chose d'important et cela fait partie des solutions à explorer davantage.
J'en viens au droit à l'alimentation. Georges Dallemagne a eu la gentillesse de me demander de clarifier ce droit: sa signification, son statut, son apport. Le droit à l'alimentation a longtemps été un droit inscrit dans la Déclaration universelle des droits de l'homme et dans le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels mais c'était un droit abstrait peu compréhensible et, par conséquent, peu utilisé. Au Sommet mondial sur l'alimentation de Rome de 1996, la communauté internationale a demandé que le contenu de ce droit soit clarifié. Il en a résulté trois initiatives:
- le Comité des droits économiques, sociaux et culturels a adopté une observation générale décrivant son contenu;
- en 2000, le poste de rapporteur spécial sur le droit à l'alimentation a été créé;
- en 2004, on a adopté des directives volontaires sur la réalisation progressive du droit à l'alimentation dans un contexte de sécurité alimentaire nationale.
On sait aujourd'hui ce que le droit à l'alimentation signifie et quelles obligations très concrètes il impose aux États. Bien qu'on puisse le détailler à l'envi, l'obligation la plus concrète imposée aux États est de passer d'un droit très abstrait à des politiques très concrètes et programmées dans le temps, définissant le rôle de chaque acteur. Il s'agit d'élaborer des stratégies nationales pour la réalisation du droit à l'alimentation qui permettent de savoir exactement quand tel objectif chiffré doit être atteint, quelles mesures sont à prendre pour que cet objectif soit atteint et quel est le département ministériel ou la collectivité responsable de cet objectif. Cela permet ainsi à des organismes indépendants – et pourquoi pas aux tribunaux, comme cela se fait dans certains pays, notamment au Brésil et en Inde – de vérifier que les autorités respectent bien les obligations qui découlent du droit à l'alimentation, telles qu'elles sont définies dans cette stratégie nationale.
Le droit à l'alimentation, en ce sens, oblige les États à se réapproprier des politiques d'agriculture et d'alimentation qui sinon, à défaut que ces stratégies soient mises en place, leur seraient dictées par la communauté internationale ou par le commerce international.
Un des grands problèmes qu'affrontent les pays en développement en particulier, c'est qu'ils sont sous la pression des institutions financières internationales, des bailleurs de fonds internationaux, sous la pression des négociateurs d'accords commerciaux internationaux et à défaut d'une stratégie nationale claire, qui leur permette d'avoir une boussole, sachant comment procéder vers la réalisation du droit à l'alimentation, ils font des concessions dont ils ne mesurent pas l'impact rendant ainsi impossible la réalisation de ce droit.
Par conséquent, le droit à l'alimentation vient en soutien de ce que l'on appelle la souveraineté alimentaire et qui n'est rien d'autre que la possibilité pour chaque pays de décider librement sans ingérence extérieure, en fonction des priorités nationales, quel système alimentaire et quel système agricole mettre sur pied pour ce qui le concerne.
La souveraineté alimentaire est au fond un aspect du droit à l'autodétermination reconnu en droit international. Il ne s'agit pas d'autosuffisance. C'est la possibilité de faire des choix démocratiques sans que ceux-ci soient dictés par les impératifs du commerce international.
Dans mon rapport sur l'organisation mondiale du commerce et le droit à
l'alimentation, je documente le risque que prennent les pays en comptant sur
les marchés internationaux pour la sécurité alimentaire. Cela ne fonctionne
pas! On a évoqué le coton. Des pays africains se sont effectivement spécialisés
dans le coton, le thé, le café, cultures d'exportation, et ont vu leurs revenus
d'exportation chuter dramatiquement ces dernières années alors que, par
ailleurs, ils achetaient la nourriture dont ils avaient besoin pour nourrir
leur population sur les marchés internationaux et les prix ont augmenté! Ces
pays sont vulnérables dans un contexte où ils dépendent, pour le secteur
alimentaire, de marchés internationaux volatils.
Par conséquent, il n'y a aucune autre alternative pour ces pays que de construire une agriculture forte qui permette de répondre, autant que faire se peut aux besoins de leur population. Le grand risque, c'est que ces pays ont sacrifié leur intérêt de long terme à bâtir une agriculture solide à leur intérêt à court terme d'acheter sur des marchés internationaux des nourritures à bas prix, que nous "dumpions" sur les marchés internationaux en raison du fait que ces produits, ces matières étaient fortement subsidiés par les économies de l'OCDE. Ces pays ont développé une assuétude à une nourriture à bas prix sur les marchés internationaux.
Le terme de souveraineté alimentaire suscite, malheureusement, de nombreux
fantasmes. Par conséquent, il n'est pas utilisé au cours des réunions
internationales. En effet, les gens hésitent à l'utiliser parce qu'ils
craignent d'être classés dans tel ou tel camp.
Toutefois, l'idée de souveraineté alimentaire est partagée par beaucoup de gens. Du point de vue du droit à l'alimentation, il s'agit certainement d'un outil indispensable.
Plusieurs questions ont porté sur la terre. C'est un vrai problème. Dans beaucoup de pays, les agriculteurs ne détiennent pas de titres sur la terre qu'ils travaillent. Cela complique leur accès aux crédits financiers, puisque ces personnes ne peuvent pas hypothéquer une terre dont ils ne sont pas titulaires. Cette situation les expose aussi à des expropriations se déroulant parfois à la mitraillette, comme on peut le voir dans certains pays d'Amérique latine. Ils quittent donc leur terre pour être employés comme travailleurs agricoles sans terre si des investisseurs locaux ou étrangers veulent remplacer leur culture de subsistance par des monocultures destinées à des marchés d'exportation. L'absence de protection de ces gens pose donc un vrai problème.
En même temps, la titrisation, c'est-à-dire la possibilité de garantir la terre qu'ils cultivent à travers des titres de propriété, peut se révéler problématique. Cela signifie en effet que la terre devient objet de commerce. Alors, que doivent faire ces petits paysans qui vivent sur deux hectares de terrain et qui doivent augmenter désespérément la surface qu'ils cultivent alors que le prix de la terre augmente? Comment imaginer que ces petits paysans disposent des moyens financiers nécessaires à l'extension de la surface cultivée? Ils sont victimes de la spéculation sur la terre, lorsque celle-ci est intégralement privatisée et répond aux mécanismes habituels du marché. Ils ne peuvent pas lutter à armes égales contre les investisseurs qui veulent acheter de grandes surfaces de terre pour y développer des monocultures de produits destinés à l'exportation.
C'est un domaine dans lequel je travaille. La FAO a enclenché un processus qui vise à déboucher sur un code de conduite de la bonne gouvernance relative à la propriété terrienne. Malheureusement, ce projet va certainement encore mettre deux à trois années avant d'aboutir. Or les choses sont trop urgentes. Je vais donc m'atteler à la formulation de propositions plus précises. Je devrais aboutir à des suggestions visant à encourager les pays et les municipalités à établir des régimes de propriété collective. Dans cette logique, la propriété terrienne serait garantie, mais la municipalité aurait un droit de préemption si un paysan souhaitait céder sa terre, pour éviter que celle-ci soit vendue au plus offrant.
C’est une question délicate. Je n’ai pas encore abouti à des conclusions. Je vais aborder une question qui ne m’a pas été posée mais elle est tout à fait centrale et liée à des questions qui m’ont été posées. C’est celle du changement climatique.
Jean Cornil a eu l’amitié de me rappeler les quatre facteurs que j’avais évoqués en juin. Mais un cinquième facteur mérite certainement notre attention, c’est le changement climatique. Le groupe intergouvernemental d’experts sur le changement climatique – le GIEC – estime que d’ici 2020, dans les régions d’Afrique qui vivent d’agriculture non irriguée, qui dépendent donc de l’eau de pluie, la production va chuter de 50%. La production alimentaire mondiale va chuter de 8% en 2080 par rapport aux chiffres de 2000 en raison du changement climatique. Alors que la population mondiale aura augmenté d’environ un tiers. On sera à 9.200.000.000.
Le changement climatique est le facteur qui, à terme, constitue la plus importante menace sur la sécurité alimentaire mondiale. C’est là que le vrai déséquilibre entre l’offre et la demande menace d’exister. Les solutions que nous préconisons à la crise ne peuvent pas être des solutions qui ne prennent pas en compte cette dimension environnementale. On sait que l’agriculture produit 30% des gaz à effet de serre produits par l’homme aujourd’hui dans le monde. Certains modes de production agricole émettent beaucoup plus de gaz à effet de serre que d’autres.
Pour répondre à la question de Thérèse Snoy, je dirai qu'il faut absolument que les investissements que l’on fait en agriculture prennent en compte cette dimension environnementale. Il faut que nous prenions conscience de ce que des solutions qui font produire plus à l’hectare mais qui accélèrent les changements climatiques et l’épuisement des sols sont des solutions de court terme qui nous mènent droit dans le mur. Il faut explorer des méthodes de production agricole qui ne sont pas les méthodes de production agro-industrielles que nous avons connues chez nous trop longtemps. Il faut encadrer l’agriculture et promouvoir des types d’agricultures plus respectueux des écosystèmes, s’inspirant des principes de l’agro-écologie. C’est une absolue nécessité.
Plusieurs questions portaient sur les agro-carburants. Et c’est lié à la question des investissements dans l’agriculture. La question est beaucoup plus complexe que ce que j’ai dit dans mon intervention liminaire.
La faim ne résulte pas d'un simple déséquilibre entre la demande de la population et l'offre de matières premières agricoles. Il y a assez pour nourrir toute la planète, et bien au-delà. Le problème des agrocarburants ne réside pas dans le fait qu'on prenne du maïs pour faire rouler les voitures au lieu de servir à nourrir les populations. Le vrai problème est que les agrocarburants renforcent la dualisation du secteur agricole car, de la manière dont ils sont produits aujourd'hui, ils ont non seulement des impacts environnementaux négatifs, à l'exception de certains types, mais ils ne profitent pas aux petits paysans qui doivent voir leurs revenus augmenter. En fait, les agrocarburants sont produits dans des grandes monocultures, avec des semences protégées par des droits de propriété intellectuelle qui rendent ces cultures inaccessibles pour les petits paysans. Ces productions profitent aux grands acteurs du secteur agroalimentaire ou agroindustriel. Je serais pour les agrocarburants s'ils permettaient d'augmenter les revenus de ceux qui ont faim afin qu'ils puissent se procurer de la nourriture. Je suis contre les agrocarburants car ce n'est pas le cas aujourd'hui. Les quelques tentatives, à une très petite échelle, que le Brésil a mises sur pied pour que les agrocarburants puissent servir à améliorer la situation des petits paysans ont montré leurs limites.
On me pose la question de la régulation des agrocarburants. En décembre dernier, le Conseil de l'Union européenne a adopté des critères de certification des agrocarburants. Étant donné les craintes liées au mauvais bilan énergétique et environnemental des agrocarburants, le Conseil s'est entendu avec le Parlement européen sur des critères de durabilité. Ces critères visent notamment à s'assurer que le bilan environnemental soit positif pour les agrocarburants qu'importe l'Union européenne, en prenant en compte l'éventuelle déforestation pour produire la nourriture qu'on ne produit plus sur les surfaces réservées aux agrocarburants. Il y a une dimension complètement absente de ces critères, indépendamment des doutes qu'on peut entretenir quant au sérieux avec lequel ils seront mis en œuvre: c'est la dimension sociale.
Certes, il y a une référence aux droits fondamentaux des travailleurs et aux conditions de travail dans les plantations d'agrocarburants mais il n'y a aucun souci de vérifier que les revenus dégagés par la production d'agrocarburants dans les pays en voie de développement profitent aux petits paysans.
Donc, on ne répond pas à la question centrale de savoir qui produit pour le bénéfice de qui. C'est cette question qui, du point de vue de la sécurité alimentaire, me paraît la question décisive.
Ce qui est vrai par ailleurs c'est que, au printemps et à l'été 2008, les politiques en matière d'agrocarburants de l'Union européenne et des États-Unis, par le signal que ces politiques donnaient aux spéculateurs, ont eu un impact sur les prix. En effet, au fond, on a annoncé des objectifs chiffrés qui permettaient aux spéculateurs de parier que, dans six mois ou dans un an, les prix seraient beaucoup plus élevés, ce qui a conduit à la spéculation qu'on a connue. Heureusement, ce phénomène est retombé en grande partie.
Une question de Georges Dallemagne se rapportait à la concentration dans le secteur de l'agroalimentaire. D'abord, c'est une réalité. C'est bien documenté. Le secteur agroalimentaire connaît une concentration économique extrêmement forte. En fait, n'ont accès aux marchés qu'un petit nombre de producteurs de semences, d'engrais et de pesticides (peut-être 10 ou 12 entreprises, dont vous connaissez les noms), un très grand nombre de producteurs, un nombre relativement réduit de transformateurs et d'acheteurs, comme Cargill, Archer Daniels Midland, Bunge, Nestlé, Danone, etc., un nombre relativement réduit et, en tout cas, en voie de concentration de grands distributeurs.
Ceci a la forme de la chaîne de production alimentaire. Que veut dire cette forme? Elle signifie que, dans cette chaîne, il existe des déséquilibres profonds en termes de pouvoir de négociation. Les petits paysans achètent leurs intrants au prix du détail et vendent leurs récoltes au prix du gros parce qu'ils n'ont le choix que d'acheter au prix qu'on leur propose et de vendre la récolte au prix qui leur est proposé; en effet, il faut la vendre puisqu'on n'arrive pas à la stocker plus de quelques semaines. Ce sont des "price takers", qu'il s'agisse des intrants ou des récoltes qu'ils produisent.
Cette chaîne de production et de distribution alimentaire est profondément déséquilibrée. Voilà qui réclame l'attention. Le droit à la concurrence n'est pas bien équipé à cette fin, notamment parce que le droit à la concurrence ne peut intervenir que si cela affecte les consommateurs dans l'Union européenne ou aux États-Unis s'il s'agit du droit à la concurrence américain. Si ce sont les paysans des pays en développement qui sont victimes d'une concentration du pouvoir économique, il est difficile d'actionner le droit à la concurrence, pour des raisons d'extraterritorialité du droit à la concurrence qui n'est pas admise pour l'instant.
Ce qu'il est possible de faire, c'est que les États qui peuvent contrôler ces secteurs privés et qui ont l'obligation de protéger les droits de l'homme, notamment le droit à l'alimentation, régulent certaines pratiques commerciales qui rendent extrêmement difficile la situation des petits paysans.
Je donne un exemple, les achats par enchères sur internet.
Wal-Mart a besoin d'acheter de 20 tonnes de bananes. Il lance une offre sur internet et attend que l'offre la plus avantageuse lui arrive et voilà ainsi les producteurs du Guatemala qui se retrouvent en compétition avec ceux du Honduras ou du Mali pour fournir ces 20 tonnes de bananes destinées aux États-Unis.
Cette forme de concurrence organisée entre les producteurs leur rend impossible la production de la banane et son écoulement en respectant les normes minimales qui doivent gouverner les relations de travail et en payant des salaires décents.
Il y a des pratiques commerciales auxquelles il faut prêter attention et qui peut-être peuvent faire l'objet d'une régulation.
Je ne veux pas vous frustrer de la poursuite de la discussion. Je vais donc peut-être m'arrêter ici, monsieur le président, même s'il y a des questions auxquelles je n'ai pas répondu, y compris celles relatives aux accords de partenariat économique. S'il le faut, je reviendrai sur ce point mais j'ai déjà été très long dans ma réponse.
Le président: Je vous remercie pour votre réponse très complète.
Je vais maintenant donner la parole pour un deuxième tour de questions avant de clore le débat pour cet après-midi.
01.11 Muriel Gerkens (Ecolo-Groen!): Monsieur le président, chaque fois qu'il répond, M. De Schutter nous donne envie de poursuivre le débat!
Je souhaitais poursuivre la réflexion en me demandant ce que l'on pouvait faire au départ de la Belgique, dans toutes ses composantes.
Pour reprendre les derniers points qui ont été évoqués, les associations représentatives du monde agricole belge marquent un intérêt de plus en plus grand à être impliquées dans les mécanismes de coopération au développement, de soutien aux politiques de sécurité alimentaire que la Belgique peut mener, en particulier via le Fonds belge de survie qui dépend du parlement. Leurs difficultés sont les mêmes: la volatilité des prix, la dérégulation du marché. Pourtant, les réalités et intérêts sont parfois différents. À certains moments, on se rend bien compte qu'on préfère importer ou exporter des productions agricoles.
Monsieur De Schutter, j'aurais voulu connaître votre analyse. De quelle manière un partenariat entre les agriculteurs d'ici ou de là-bas peut-il s'organiser, avec le soutien des États, dans le but de se rapprocher au maximum de ce droit à l'alimentation? Il s'agit d'établir une production agricole qui répond aux besoins de la population et qui permet des revenus décents aux agriculteurs d'ici ou de là-bas, tout en évitant aussi les pièges qu'on se tend mutuellement, vu les intérêts parfois divergents.
Dans le même ordre d'idée, on a beaucoup parlé de l'accès à la terre et vous avez évoqué la nécessité de recourir éventuellement au mécanisme de propriété collective. En effet, lorsqu'on aide des populations à acquérir une autonomie de production, si celles-ci ne sont pas propriétaires des terres et qu'elles n'ont pas de garantie sur la propriété, elles risquent de se voir retirer leurs terres, une fois le temps des moissons arrivé. Cela arrive malheureusement dans certains États.
En ce qui concerne la responsabilisation des États à ce propos, la Belgique ne devrait-elle pas, lorsqu'elle soutient un projet, exiger que l'accès des producteurs à la terre soit garanti suffisamment longtemps pour que la population puisse bénéficier de la production?
Nous avons interrompu de nombreuses discussions car nous n'aboutissons pas à un accord entre les familles politiques de ce gouvernement, notamment sur la notion de commerce équitable et sur la nécessité d'introduire, dans ce commerce, une rémunération correcte des producteurs de la localité, de telle sorte que cette collectivité puisse en tirer les revenus suffisants.
À cela, on oppose le "commerce durable", suivant lequel est accordé un prix supérieur à celui du marché, mais d'où est ôté tout lien avec le revenu nécessaire à une vie correcte, au maintien de sa propre souveraineté alimentaire ou encore à la survie de sa famille et de son village. J'aurais donc voulu savoir si, au sein des Nations unies, une réflexion se développait en vue d'introduire cette notion de rémunération suffisante, de manière à faire aussi pression sur les États pour qu'ils osent défendre un tel critère dans le commerce international.
01.12 Joannes Aartsen: Mijnheer de voorzitter, ik heb slechts één, heel scherpe vraag, met name over de specifieke rol die België in het hele debat zou kunnen spelen. Een nog scherpere vraag is wat voornoemde, specifieke rol zou kunnen zijn, zeker wanneer België in 2010 het voorzitterschap van de Europese Unie terug opneemt.
Ik zou een hypothese willen lanceren en aan de heer De Schutter het volgende willen vragen.
Kan een klein land ook op een hoger niveau, op een visieniveau, een rol spelen?
U bent hier heel pragmatisch binnengekomen. U hebt verteld wat er sinds juni 2008 is gebeurd. U had het over de problemen; de crisis, de machtsanalyse, de voorstellen en over wat Sarkozy op tafel heeft gelegd. Op die manier bent u binnengekomen en hebt u verteld wat er allemaal moet gebeuren.
Onze organisatie en groep van ngo’s heeft dikwijls de indruk dat wij qua visie en totale coherentie inzake de vraag waar het met de landbouw en het hongerprobleem naartoe moet, niet genoeg op tafel leggen. De visie is nog altijd dat de landbouw er is voor wie het efficiëntst produceert – de wet van de coöperatieve voordelen – en dat de familiale landbouw achterlijk is. Nog volgens die visie zal de technologie de wereld redden en moet er vrijhandel zijn, maar liefst niet bij ons of in de Verenigde Staten en liefst ook niet te veel in de Europese Unie.
Wat zou de specifieke rol van een klein land kunnen zijn op dat hogere vlak van de visie, op langere termijn, op duurzaamheid en op het samengaan van familiale en industriële landbouw, wat een feit is? Wat zou de visie op de familiale landbouw van arme mensen kunnen zijn? Wat zou de visie op de interrelatie tussen landbouw en klimaat, die u aanduidde, kunnen zijn? Wat zou de visie op duurzame voedselvoorziening kunnen zijn? Misschien nog het moeilijkste van allemaal, wat zou de visie kunnen zijn op de vraag hoe we van de huidige, trieste situatie naar een betere situatie kunnen gaan? Wat zou de visie op transitie kunnen zijn? Hoe kunnen wij voornoemde visie onderbouwen?
Het rapport van de IASTD kent u zeker. Voornoemd rapport heeft onderbouwd dat kleine, arme, familiale boeren en boerinnen de kost met de landbouw kunnen verdienen en er een goed inkomen uit kunnen halen. Dat is echter een kwestie van visie. Ik zeg dat, omdat wij de indruk hebben dat er op het economische en het politieke niveau heel dikwijls wordt gediscussieerd. Wij trekken zoals met een poppetje aan één touwtje, waarna er ergens anders weer iets misloopt. Indien wij enkel naar het economisch-politieke aspect kijken en het ecologische, sociale en culturele aspect niet in de globale visie onderbrengen, zullen wij ons op het gebied van coherentie een strop om de hals halen.
Kunnen wij op dat vlak een rol spelen? Zo ja, hoe moeten wij onze rol spelen?
01.13 Alain Adriaens: Monsieur le président, je voudrais poser trois questions à M. De Schutter, la première relative à l'eau, la seconde à la volatilité des prix et la troisième à la lutte contre la spéculation.
J'ai été frappé, monsieur De Schutter, par le fait que vous parliez du droit à l'alimentation et que même le haut responsable de l'OMC partageait l'idée que les aliments ne sont pas des biens marchands comme les autres. Ces deux notions sont défendues depuis dix ans par les associations et ceux qui se préoccupent de l'approvisionnement en eau des populations du Sud de la planète avec les mêmes termes "droit à l'eau" et "l'eau doit être un bien commun et pas un bien marchand appropriable".
Cette liaison, vous l'avez faite dans votre deuxième intervention avec la même menace du changement climatique sur l'eau et sur l'alimentation et vous parliez de deux éléments limitant la possibilité de l'alimentation, les investissements en intrants ou en techniques modernes et la terre qui est un élément limitant aussi. Mais l'eau, selon moi, est un troisième élément limitant et ceux qui se battent pour que, non seulement, les populations aient droit à l'eau potable mais également à l'eau pour l'alimentation et certaines productions industrielles nécessaires sont confrontés à la même logique que la vôtre: le droit à l'eau ou le droit à l'alimentation.
La question que je me pose est de savoir si, dans les hautes instances des Nations unies que vous fréquentez, il y a un endroit où on établit le lien entre ces deux problématiques vraiment parallèles, la défense du droit à l'eau et la défense du droit à l'alimentation.
Par exemple, l'organisation dont je fais partie organisera dans moins d'un mois deux jours de débat au Parlement européen. Il s'intitulera "Faire la paix avec l'eau" en association avec le "World Political Forum" que dirige M. Gorbatchev et les problématiques que nous allons y mettre en avant sont tout à fait parallèles à celles que vous avez développées ici. Aussi, les défenseurs de l'accès à l'eau et les défenseurs de l'accès aux aliments devraient-ils former une alliance objective!
En ce qui concerne la volatilité des prix, je suis conscient que le commerce équitable non seulement octroie parfois des prix supérieurs aux producteurs du Sud, mais établit aussi des contrats de longue durée. Que nous suggérez-vous en Belgique pour soutenir le commerce équitable qui, contrairement à ce que l'on pense, ne pratique pas seulement des prix plus élevés, mais surtout des prix plus stables sur plusieurs saisons de récolte? C'est un argument que l'on ne met pas suffisamment en avant. Ma question est de savoir comment soutenir ici le développement du commerce équitable.
Certains qui se préoccupent de la spéculation sur les aliments prétendent que, sur les grands marchés internationaux, il faudrait peut-être aller jusqu'à interdire l'intervention des non-commerciaux et obliger à la livraison physique des choses sur lesquelles on parie. Les "futures" sur le "Chicago Trade Board of Commerce" consistent à parier sur la hausse de telle denrée alimentaire et à la revendre par la suite sans jamais en prendre possession. C'est de la sorte que les spéculateurs agissent. Pour empêcher cette spéculation, il suffirait de leur imposer de prendre, par exemple, possession de leur commande de 100 tonnes de bananes et de les entreposer dans un hangar qui leur appartient.
S'opposer à ceux qu'on appelle les spéculateurs non commerciaux est une mesure assez radicale mais qui peut constituer une manière d'empêcher les fluctuations à la hausse et à la baisse sur certaines matières premières alimentaires de première nécessité.
01.14 Paul Verle: Mijnheer de voorzitter, ik wil even voortgaan op de opmerking van de heer Aartsen.
Enerzijds ben ik heel blij dat er heel wat veranderd is de jongste maanden Zo is de Belgische ontwikkelingssamenwerking eindelijk opnieuw meer gefocust op landbouw. Gedurende jaren is dat een beetje de “parent pauvre” van onze ontwikkelingssamenwerking geweest. Voor de lange termijn hebben wij nu een platform met verschillende actoren. De Belgische Technische Coöperatie heeft engagementen voor meer dan tien jaar. Er is dus een langetermijnvisie. Dat is allemaal prima.
Anderzijds, is de urgentiewerking een beetje weg. Ik was altijd wat bang dat er te veel nadruk aou worden gelegd op urgentie. Daar bereikt men vlug resultaten, maar men kan ook vlug schade berokkenen
Ik ben dus in zekere zin blij dat wij de kans krijgen meer structureel te denken en de nadruk meer op die structurele aanpak te leggen dan op de urgentiewerking. Dat is goed nieuws. Maar laten wij realistisch zijn. Zelfs met al die beslissingen zal de impact van de Belgische ontwikkelingssamenwerking beperkt zijn op die problematiek.
De vraag is dan: zouden wij niet beter focussen op meer impact binnen de grote structuren zoals de EU en de Wereldbank, want daar zijn wij tenslotte ook lid van. Daar kunnen wij toch ook wegen op het beleid. Wij kunnen misschien proberen op die manier een coherente visie toe te passen binnen de grote organisaties waar wij lid van zijn. Is dat realistisch? Kunnen wij daar meer doen? Ik wil u toch vragen of u ons daarover een idee kunt geven en of u aanbevelingen ter zake hebt?
Terzelfder tijd, meen ik, is een ander punt nog niet aan bod gekomen: de verstedelijking, de verdichting van de stadsbevolking. De jongste jaren wonen de armen veeleer in de steden dan op het platteland. Het gaat niet alleen meer over de productie en over de arme landbouwers. De nadruk moet ook worden gelegd op de vraag hoe gaan wij om met de steden en met de armen die in die steden wonen. Immers, daar is een enorm probleem voor de toekomst. Dat zal eerder groter worden de volgende jaren. Wat is uw visie daarop? Ik meen dat het toch de moeite loont daar aandacht aan te geven.
01.15 Alex Danau: Monsieur le président, je m'appelle Alex Danau. Je travaille pour le Collectif Stratégies alimentaires.
J'ai été très heureux d'entendre M. De Schutter parler de la gestion de l'offre car je pense qu'il y a là une voie qu'il faut absolument explorer. Ce n'est pas un instrument nouveau puisque l'Europe le connaît depuis de nombreuses années. Malheureusement, nous savons qu'elle est en train de le jeter aux orties, ce qui est regrettable puisque c'est un espace politique qui se décide au sein de chacun des gouvernements de l'Union européenne dont celui de la Belgique.
Je pense que la gestion de l'offre est importante car c'est le principal instrument de régulation des marchés mais aussi essentiellement parce qu'elle redonne le pouvoir du marché aux producteurs. De ce point de vue, je voudrais pointer deux aspects.
Premièrement, le comité des produits de la FAO qui se tiendra en avril prochain traitera de la régulation des marchés et de la présente crise mais connaissant ce comité pour y avoir participé il y a deux ans, je sais qu'il s'oppose farouchement à toute notion de gestion de l'offre. Je vous rappelle que la Belgique est également partie prenante de ce comité des produits. Il y a là un positionnement politique qu'il faut absolument prendre.
Une autre organisation bien connue est l'OCDE qui fusille littéralement toute idée de gestion de l'offre. Cette organisation est extrêmement réputée et elle a beaucoup de poids politique dans le choix des politiques agricoles. Il y a donc là aussi un positionnement à avoir puisque notre pays en fait partie.
Deuxièmement, du côté des producteurs, leur redonner du pouvoir sur le marché est une chose, encore faut-il leur permettre de s'organiser. Il y a en cette matière des initiatives à prendre ou à continuer pour appuyer l'organisation des producteurs et leur permettre de se mettre en gestion de l'offre et recouvrer une partie de leur pouvoir sur le marché.
Par ailleurs, il faudrait aussi que l'arsenal législatif puisse suivre le mouvement. Je pense notamment que les lois sur la concurrence s'opposent systématiquement à l'entente entre producteurs agricoles. Il y a là aussi des initiatives à prendre!
01.16 Olivier De Schutter: Monsieur le président, je serai bref car je sais que nous devons terminer la réunion sans trop tarder. Plusieurs questions m'ont été adressées sur le rôle que pouvait jouer la Belgique et la manière dont elle pouvait utilement faire avancer la discussion. J'ai une proposition très concrète à formuler. À la fin de cette année, il est question d'organiser un sommet mondial sur l'alimentation, à l'initiative du Brésil et du directeur général de la FAO Jacques Diouf. Le contexte de la crise alimentaire mondiale constitue une occasion unique que nous avons la responsabilité de saisir pour repenser certains aspects structurels du système dans lequel nous sommes pris. Et notamment d'approfondir le lien entre les méthodes de production et les circuits de distribution, d'une part, et la question de la faim, d'autre part.
Si la Belgique pouvait être encouragée à jouer un rôle actif dans cette dynamique, dans l'organisation même de ce sommet, pour que des questions comme celles que nous nous posons aujourd'hui ne soient pas oubliées de l'agenda, ce serait extrêmement intéressant.
J'ai parlé de ce troisième pilier que le secrétaire général des Nations unies venait d'ajouter aux deux piliers classiques. Ce troisième pilier n'est pour l'instant qu'une perche tendue, qu'une idée en l'air. À la limite, sait-il exactement de quoi il parle? Saisissons-nous de cette perche tendue et essayons de faire passer un message selon lequel le gouvernement belge est désireux d'occuper un segment de cette conférence pour évoquer ces questions d'accès à la terre, de droit à l'alimentation, ces questions de régulation du commerce international des matières premières agricoles qui sinon ne seront pas posées.
Ce que je n'ai pas dit en effet, c'est que le cadre global pour l'action qui constitue l'agenda des institutions internationales appelle pour le commerce à l'achèvement du cycle de Doha. Ceci s'explique d'un côté par une des raisons pour lesquelles la crise est advenue, à savoir que le système actuel ne fonctionne pas bien et certainement pas pour les pays en développement mais ce qui est une mauvaise "bonne solution" et certainement pas une panacée. Il faut donc un discours différent, une vision différente.
Ceci mérite d'être discuté de manière très approfondie, mais je crois que l'organisation de politiques agricoles communes au plan régional, dans des pays dont les productivités en matière d'agriculture sont comparables, constitue la piste la meilleure; c'est une alternative à la fois à la chimère de l'autosuffisance et à la folie que constitue la mise en concurrence d'agricultures si différentes dans les marchés internationaux.
Pour moi, la Belgique doit aussi rappeler qu'en avril dernier, on a approuvé une étude très importante – et je réponds à la question de M. Aartsen – qui est l'évaluation internationale des sciences et des technologies agricoles au service du développement. Quatre cents experts ont travaillé pendant trois ans sur l'avenir de l'agriculture.
Que nous disent-ils? Ils disent: on a sous-estimé l'importance de développer des méthodes de productions agricoles et de réaliser des recherches en matière agricole qui bénéficient aux petits paysans et qui respectent les écosystèmes. On a oublié les dimensions sociale et environnementale de l'agriculture pour n'en privilégier qu'une seule: la dimension productiviste.
Quatre cents experts pendant trois ans! C'est le GIEC de l'agriculture. Plus de soixante gouvernements ont approuvé ces conclusions et, le lendemain, on n'en a plus parlé! Il n'y a pas de référence aux conclusions de cette étude dans les documents internationaux, qui inspirent aujourd'hui les politiques. Silence radio!
Je vous laisse le soin d'interpréter ce silence. Mais il est curieux que l'on parle de doter les gouvernements d'une expertise qui, semble-t-il, ferait défaut alors qu'elle est là. Il suffit d'en tirer les conclusions politiques. Simplement, ces experts appellent un changement de paradigmes dans notre manière de produire en matière d'agriculture.
Je pense que ces conclusions ne sont pas faciles à mettre en œuvre, qu'elles dérangent peut-être certains, mais nous avons cette étude importante. La Belgique peut en promouvoir le suivi.
Muriel Gerkens et d'autres ont évoqué la question du commerce équitable et la manière dont nous pouvions le promouvoir. Je n'ai pas de réponse facile. Dans mon rapport sur l'OMC et le droit à l'alimentation, je constate que le système actuel, l'allongement des chaînes de production et de distribution favorisent une dualisation du secteur agricole entre, d'un côté, les quelque deux milliards d'individus qui vivent sur la petite agriculture familiale et, de l'autre côté, un très petit nombre de très grands exploitants agricoles. Il faut savoir que 0,5% des fermes dans le monde ont une surface de 100 hectares ou plus et 85% ont une surface de 2 hectares ou moins.
Cette dualisation du secteur agricole est accentuée par le commerce international puisque le commerce international, les filières internationales sont accessibles aux plus importants des producteurs agricoles, aux plus puissants, et sont très difficiles d'accès pour les petits producteurs puisque ceux-ci ne peuvent pas respecter les exigences de volumes, les exigences de traçabilité; ils sont dispersés géographiquement et, par conséquent, il est beaucoup plus coûteux en termes de coûts de transactions de traiter avec eux.
Il y a des tentatives d'intégrer les petits producteurs aux filières globales mais c'est extrêmement difficile.
Présenter le commerce international comme une solution, c'est courir le risque d'accentuer cette dualisation du secteur agricole et c'est, par conséquent, extrêmement difficile. La solution consiste à mieux organiser les petits producteurs, en coopératives, à s'assurer qu'ils puissent voir renforcé leur pouvoir de négocier le prix auquel ils cèdent leur récolte aux intermédiaires. Ce sont des questions de gouvernance dans la chaîne de production alimentaire. Le commerce équitable, c'est cela.
Une piste consiste en des certifications qu'on imposerait pour que le commerce international soit réservé aux filières qui respectent certaines exigences, notamment en termes de prix rémunérateur. Je suis personnellement favorable à cela mais je dois dire que dans les consultations que j'ai conduites au moment d'écrire mon rapport sur l'Organisation mondiale du Commerce, j'ai rencontré des doutes, des hésitations, de la part de syndicats, d'ONG. Je crois que ces doutes partent d'un malentendu: les certifications ont toujours un relent de protectionnisme. Par conséquent, un travail pédagogique est à réaliser. Effectivement, c'est une piste qu'on pourrait explorer.
On évoque parfois la difficulté de la compatibilité de ce type de certifications avec les règles de l'OMC. Je n'ai aucun doute quant à cette compatibilité, pour avoir étudié la question en détail. Là n'est pas le problème, même si c'est parfois le prétexte pour ne pas agir sur ces questions des certifications environnementales ou sociales.
Si on veut encourager une évolution du système agricole qui respecte mieux l'environnement et qui soit plus rémunérateur pour les petits producteurs, il faut peut-être utiliser le commerce international pour amener cette transformation.
Une dernière question m'a été posée par M. Verle sur les pauvres urbains. Il est vrai que c'est une catégorie importante: 20% des personnes qui ont faim aujourd'hui sont des pauvres dans les villes. Très souvent, ce sont des pauvres des campagnes qui ont rejoint les villes après avoir dû quitter leurs terres parce qu'ils ne parvenaient pas à gagner leur vie à partir de l'agriculture. Il ne faut pas opposer les intérêts des pauvres urbains à ceux des petits paysans. C'est l'erreur qu'on commet quand on se focalise sur le niveau des prix. Des niveaux trop élevés pour les pauvres des villes sont une source de rémunération pour les petits paysans dans les campagnes. Si on se focalise sur le niveau des prix, on oppose ces deux catégories, ce qu'il faut éviter de faire. Plus les petits paysans auront des revenus décents et moins la pression migratoire sur les villes sera forte, et plus les salaires seront décents dans les villes.
Les pauvres urbains doivent être aidés non pas tellement par des politiques qui appauvrissent les campagnes par des bas prix. On a vécu pendant trente ans un système dans lequel les campagnes étaient épuisées pour pouvoir fournir la nourriture à bas prix dans les villes. Ce système n'est pas durable. Il faut des mécanismes de sécurité sociale, comme on en a chez nous, qui permettent de protéger les plus vulnérables des prix élevés dans les villes. Les prix bas sont extrêmement peu subtils, peu sophistiqués puisqu'ils profitent aussi à ceux qui ont le pouvoir d'achat qui permettrait de mieux rémunérer la production des petits agriculteurs.
C'est ce que je préconiserais et c'est d'ailleurs ce qui figure dans les directives volontaires sur le droit à l'alimentation qu'a élaborées le Conseil général de la FAO en 2004.
De voorzitter: Zijn er nog opmerkingen? (Neen)
Ik wil even refereren aan het feit dat om 17.00 uur de commissie voor Buitenlandse Betrekkingen voortgaat met de uitwerking van een resolutie. Er zijn daaraan reeds verschillende vergaderingen gewijd. Het is een tekst die betrekking heeft op de ondersteuning van de officiële ontwikkelingsamenwerking inzake de landbouw, de bevordering van de samenwerking met de bevoegde internationale organisaties enzovoort.
Voor onze verdere werkzaamheden was het zo gepland, als ik goed ben geïnformeerd, dat er op 11 februari om 14.15 uur een voorstelling zal zijn door het Federaal Planbureau van de langetermijnvisie inzake duurzame ontwikkeling. Die vergadering moest nog worden bevestigd, maar is intussen bevestigd.
Le 11 février, à 14.15 heures, il y aura une présentation d'une vision à long terme par le Bureau fédéral du Plan.
Wij zien mekaar terug op 11 februari en wij kijken ook uit naar de werkzaamheden van de commissie voor de Buitenlandse Betrekkingen in verband met het uitwerken van een resolutie.
Er rest mij alleen nog u van harte te bedanken, mijnheer De Schutter, voor de heel accurate wijze waarop u uw voorstelling hebt gedaan en het debat hebt gevoerd met de commissie.
De openbare commissievergadering wordt gesloten om 16.32 uur.
La réunion publique de commission est levée à 16.32 heures.