GEMEENSCHAPPELIJKE VERGADERING VAN DE Commissie voor de
Buitenlandse Betrekkingen VAN DE KAMER EN VAN DE COMMISSIE VOOR DE
BUITENLANDSE BETREKKINGEN EN VOOR DE LANDSVERDEDIGING VAN DE SENAAT |
RÉUNION
COMMUNE DE LA Commission des Relations extérieures DE LA CHAMBRE ET DE LA
COMMISSION DES RELATIONS EXTÉRIEURES ET DE LA DÉFENSE DU sÉNAT |
van dinsdag 10 juni 2008 Voormiddag ______ |
du mardi 10 juin 2008 Matin ______ |
La séance est ouverte à 10.10 heures et présidée par M. Josy Dubié, sénateur.
De vergadering wordt geopend om 10.10 uur en voorgezeten door de heer Josy Dubié, senator.
01 Cadre législatif de la Coopération au Développement - réflexion et audition de M. Louis Michel, commissaire européen chargé du Développement et de l’Aide humanitaire
01 Wetgeving met betrekking tot Ontwikkelingssamenwerking – evaluatie en hoorzitting met de heer Louis Michel, Europees commissaris voor Ontwikkeling en Humanitaire Hulp
Le président: Je donne la parole au commissaire Louis Michel pour un échange de vues sur la coopération au développement, et notamment sur sa transcription dans nos institutions.
01.01 Louis Michel, commissaire européen: Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs et députés, c'est toujours un très grand plaisir pour moi d'être parmi vous, et plus particulièrement pour parler de la coopération au développement.
Tout d'abord, je crois que le temps où la coopération au développement était l'expression d'une charité bienveillante devrait, en principe, être derrière nous. Si ce n'est pas encore le cas dans tous les esprits et dans toutes les mentalités, il serait grand temps de mettre cela derrière nous, car c'est une vieillerie, un concept totalement dépassé.
Les pays en développement s'imposent dans tous les grands débats de nos jours, que ce soit le changement climatique, les prix des denrées alimentaires, la sécurité énergétique, l'accès aux ressources minérales, la migration ou encore la restructuration de l'économie mondiale. Ils sont devenus un point ordinaire à l'ordre du jour du G8. Et c'est normal. Car dans un monde de plus en plus globalisé, l'impact sur nos vies et nos sociétés de ce qui se passe au-delà de nos frontières devient de plus en plus déterminant. Notre intérêt à agir sur ce monde ne se limite plus à la seule notion classique de solidarité. Notre capacité de donner forme humaine à la mondialisation devient un enjeu qui concerne directement nos sociétés et nos citoyens. Je suis intimement convaincu que l'action extérieure doit occuper une place centrale dans l'action des gouvernements. Et la coopération au développement doit occuper une place centrale dans cette action extérieure.
Depuis mon entrée à la Commission européenne, en 2004, mon objectif a été de donner une dimension plus politique à la politique de développement, afin de la rendre plus stratégique, plus moderne et plus européenne; je dirais même afin de la rendre plus efficace.
La politique de développement doit tout d'abord s'inscrire dans une perspective plus stratégique. Elle s'est longtemps isolée, cloisonnée, par crainte – parfois justifiée – d'être instrumentalisée et de perdre ce que les puristes appellent sa finalité propre.
Pendant mon mandat à la Commission, j'ai voulu renverser cette logique. Nous avons mis la politique et la diplomatie au service de la paix, de la croissance et donc du développement. On a renforcé considérablement le dialogue politique avec les pays et les régions d'Afrique et surtout l'ouverture du dialogue et de la coopération avec des pouvoirs émergents, comme la Chine. Cela a changé fondamentalement l'envergure et l'image de la politique de développement. Cela a aussi donné à la Commission et, partant, à l'Union européenne, une influence plus grande dans, par exemple, le règlement de certains conflits. Je pense plus particulièrement à l'Afrique, où nous sommes vraiment très impliqués. Peut-être que parfois, cela ne se voit pas suffisamment, mais nous appliquons pleinement le volet politique de Cotonou.
Grâce à ce que j'appellerais cette "politisation", l'Afrique a grimpé plusieurs échelons sur l'agenda européen et a retrouvé une place incontournable au plus haut niveau, dans toutes les enceintes internationales, qui s'est essentiellement concrétisée par le Sommet de Lisbonne. Cette année 2008 est d'ailleurs l'année pour concrétiser les différents volets de la stratégie Union européenne-Afrique, avec un bilan qui se fera lors de la présidence française. Ensemble, Africains et Européens ont la capacité d'adapter la mondialisation à un modèle plus conforme aux valeurs qu'ils partagent, et plus respectueux de leurs identités respectives. Il s'agit en fait de renforcer les principes de notre relation sur la base d'une responsabilité partagée entre partenaires égaux en droits et en devoirs. Il s'agit de modifier une fois pour toutes la nature de cette relation, qui était fondée – et qui l'est parfois encore - sur une relation entre un donateur et un bénéficiaire et de mettre un terme à cette relation de dépendance qui génère des réflexes paternalistes, généralement très moralisateurs dans notre chef, et des comportements de déresponsabilisation. Très souvent, cette accusation de paternalisme, de néo-colonialisme, a conduit certains leaders parmi nos partenaires à se retrancher derrière cette accusation, qui nous donne mauvaise conscience, pour justifier leurs échecs, leurs écarts ou leurs comportements parfois totalement inacceptables.
Il ne s'agit donc plus de charité mais bien d'intérêt mutuel et stratégique. L'aide ne doit plus être une fin en soi. L'aide, c'est un moyen d'appuyer les stratégies de développement des pays africains, non de leur imposer notre charité et notre vision unilatérale du développement.
La politique de développement est donc aussi devenue une politique plus moderne, mettant un terme à ce faux choix entre la charité bienveillante et le laisser-faire désespérant; on pourrait l'exprimer autrement: entre les pro-pauvres et les pro-entreprises. Le développement n'est plus synonyme de lutte contre la pauvreté ou d'appui aux secteurs sociaux. Désormais, cette politique vise à soutenir tous les aspects d'une économie et d'une société. Elle vise aussi à soutenir les fonctions régaliennes de l'État, dont le bon fonctionnement est crucial pour la croissance. Elle vise à répondre à ces nouveaux défis issus de la mondialisation, comme la migration, le changement climatique, l'approvisionnement en énergie ou la sécurité alimentaire. Elle vise enfin également à stimuler le commerce, à établir les infrastructures nécessaires, à attirer les investisseurs: c'est-à-dire à soutenir une croissance économique capable de transformer et d'enrichir les sociétés du Sud.
Parce qu'on peut tourner le problème dans tous les sens, - et je sais que c'est un sujet qui n'est pas encore passé de mode -, seule la croissance, parce qu'elle est productrice de richesses, permet de lutter efficacement et durablement contre la pauvreté et permettra d'atteindre les Objectifs du Millénaire pour le développement.
La mondialisation est souvent accusée d'être à l'origine des injustices. Je prétends que c'est faux. Il y a plein d'autres choses à l'origine des injustices, mais pas la mondialisation! Bien au contraire, la mondialisation a largement contribué à la réalisation de certains progrès. Elle correspond à un accroissement des interactions humaines, politiques, culturelles, sociales, qui en font un véritable vecteur d'enrichissement et de développement. C'est être aveugle que de refuser de le voir ou de l'admettre. Le monde est devenu un village: l'information, les décisions, le savoir et les connaissances circulent en temps réel.
Si l'on prend, par exemple, le transfert de savoir, il est clair que, dans ce domaine, la mondialisation constitue une aubaine. Le savoir est véhiculé – il voyage, si j'ose dire – d'un coin à l'autre de la planète quasiment en temps réel, ce qui constitue un avantage considérable. Une autre chose est, bien entendu, de se poser la question de savoir si les pays les plus pauvres ont l'occasion ou des opportunités d'utiliser et d'exploiter cela, comme nous le faisons. Telle est la vraie question. Mais je pense qu'il ne faut pas diaboliser de manière systématique la mondialisation. La vraie question est: comment domestiquer la mondialisation? Là se pose en fait la question du rôle de l'État, du rôle de la puissance publique, qui doit sans doute être considérablement renforcé.
Malgré les progrès, des inégalités importantes persistent entre les régions: si l'Asie a progressé considérablement, l'Afrique reste très en retard. Sur plus de 900 millions d'habitants, l'Afrique compte 400 millions de personnes vivant avec moins d'un euro par jour. En 1970, la majorité des pauvres du monde était en Asie. Aujourd'hui, plus de 30% sont en Afrique et si l'évolution se poursuit, l'Afrique aura remplacé l'Asie avec plus de 50% de pauvres de la planète d'ici à 2015.
Hoe komt dat? En waar liggen de elementen van een oplossing?
De belangrijkste uitdaging voor ontwikkelingslanden, en met name in Afrika, ligt op het vlak van goed bestuur, zowel politiek als economisch. Zonder goed bestuur zal Afrika ter plaatse blijven trappelen en zal het de kansen op duurzame groei en ontwikkeling dat het nu heeft dankzij zijn voorraad aan rijkdommen, mislopen. De Afrikaanse landen worden thans als een aantrekkelijke partij beschouwd. De toenemende mondialisering van de economie en de harde trend van de traditionele en de opkomende economische machten om zich toegang te verschaffen tot de ontzaglijke rijkdommen van het Afrikaanse continent, maakt van Afrika het actieterrein voor een nieuw hoog spel tussen de mogendheden die de mondiale geopolitiek bepalen, een spel waaraan de Verenigde Staten, China en India – om slechts de voornaamste spelers te noemen – op gelijke voet deelnemen. Afrika is dus stevig verankerd in de mondialisering en zou er zijn voordeel kunnen uithalen, indien het de nodige overheidsstructuren opzet en een doeltreffend bestuur toepast.
Vandaar ook dat ik governance een centrale plaats heb gegeven in het ontwikkelingsbeleid. In het raam van het tiende Europees Ontwikkelingsfonds hebben wij een aanpak uitgewerkt die op dialoog en niet op de “conditionaliteiten” is gebaseerd. Onze partnerlanden kunnen toegang krijgen tot een extra aandeel van het budget voor ontwikkelingssamenwerking via een aanvullende stimuleringstranche die overeenstemt met 10, 20 of 30 procent van hun initiële budgettoewijzing. We hebben daarvoor een bedrag van 3 miljard euro opzijgezet. Het is de bedoeling om de initiatieven die onze partnerlanden op dit gebied nemen, te belonen, zonder dat dit negatieve gevolgen inhoudt voor de landen die zich niet bij dit mechanisme aansluiten. Het gaat er dus om iets extra te geven, niet om iets af te nemen.
Dat kan natuurlijk wel doorwegen. In het geval van Congo, de DRC, bedraagt de eerste enveloppe 500 miljoen euro. Met een extra tranche erbij, kan dat bedrag oplopen tot 625 miljoen euro. Die tranche kan dus 25 of 30 procent extra betekenen ten opzichte van het startbedrag. Dat is natuurlijk belangrijk. Dat is alleen gebaseerd op een programma van goed bestuur dat zij indienen, waarbij we goed bestuur natuurlijk in de brede betekenis van het woord moeten opvatten. Goed bestuur blijft niet beperkt tot de strijd tegen corruptie. Het gaat veel verder dan dat. Ik denk bijvoorbeeld aan alle diensten die de staat aan de mensen kan leveren, zoals de toegang tot onderwijs, tot de administratie, tot justitie, tot gezondheid enzovoort. Het gaat om alle diensten die een normale, onpartijdige staat aan zijn bevolking kan leveren.
Andere bedenking, maar een belangrijke: goed bestuur is veel meer dan de strijd tegen corruptie. Goed bestuur gaat over het functioneren van de staatsinstellingen op een objectieve, toegankelijke en eerlijke manier zodat de Staat aan de burgers datgene kan bieden waarop zij recht hebben. Vandaar dat wij het zwaartepunt van onze actie verschoven hebben van individuele projecten naar budgettaire steun. Van de 22 miljard euro van het tiende EDF zal 47% via begrotingssteun worden uitgekeerd. Er bestaat geen betere vorm van ownership. Er bestaat ook geen efficiëntere en snellere vorm van hulp. Er vloeien geen immense bedragen terug naar consultants uit het Noorden.
Budgetsteun voorziet in middelen om de instellingen te ondersteunen die bevoegd zijn voor publieke financiën, zoals de ministeries van Financiën en de parlementscommissies die toezicht uitoefenen op het budget. Budgetsteun plaatst ons ook in een optimale positie om een dialoog te hebben met de regering over de manier waarop zij haar begroting opbouwt en haar middelen besteedt, en geeft ons in zekere zin – ik geef dat toe - “un droit de regard” op het regeringsbeleid. Begrotingssteun laat regeringen toe om lopende kosten in sociale sectoren, zoals bijvoorbeeld salarissen van onderwijzers, artsen of verplegend personeel, te financieren.
Ik geef toe dat dit een controversieel onderwerp is. Wij kunnen daarover praten. Ik denk wel dat ik sterke argumenten heb om over dat soort hulp te praten.
De tweede uitdaging voor ontwikkelingslanden, naast goed bestuur, is economische groei te ontwikkelen. Ik wil duidelijk zijn: concurrentievermogen en economische groei zijn geen doel op zich. Dit is ook in onze landen zo. Het zijn alleen middelen ten dienste van de mens. De economie als doel op zich leidt tot misbruiken, uitbuiting en partijdige belangen. Het is door economische groei dat de onpartijdige Staat de middelen genereert om te verdelen en de bevolking welvaart te bieden. Daarom kan er geen duurzame ontwikkeling bestaan zonder economische groei. Op dat vlak moet Afrika worden geholpen om een hoognodige stap vooruit te zetten.
Enkele voorbeelden. De gemiddelde kostprijs van een kilowattuur in Afrika is dubbel zo hoog als die in Europa of Latijns-Amerika. Transportkosten liggen in Zuid-Afrika dubbel zo hoog als in andere ontwikkelingslanden, vooral in landen zonder toegang tot de kust, waardoor die kosten tot 75% kunnen bedragen van de waarde van de export. Gebrekkige toegang tot water, energie en communicatie zijn evidente handicaps. Zonder gelijke regionale transportnetwerken wordt het heel moeilijk om competitief te zijn. Infrastructuur is dus een cruciale uitdaging.
Vandaar ook dat het Europees Ontwikkelingsfonds naast goed bestuur, massaal inzet op economische ontwikkeling en infrastructuur. Die steun wordt vooral toegespitst op economische regionale integratie. De creatie van regionale markten is namelijk de enige mogelijkheid voor de landen om een voldoende groot hinterland uit te bouwen voor hun ondernemingen. Het tiende Europees Ontwikkelingsfonds zet zo’n 5,6 miljard euro op de ontwikkeling van regionale, economische integratie en infrastructuur.
Hilde Vautmans, voorzitter, neemt plaats naast Josy Dubié.
Hilde Vautmans, présidente, prend place aux côtés de Josy Dubié.
Si l’Europe veut vraiment peser sur la mondialisation, elle aura besoin de son poids consolidé. En tant que commissaire, je me suis efforcé de faire en sorte que la politique de développement devienne aussi un domaine d’intégration européenne forte. Ce n’est pas gagné! Tous les instruments nécessaires ont été créés mais, quand je vois à quel point les politiques extérieures des États sont encore pétries d’imperium, il faudra encore un peu de temps pour obtenir les premiers résultats. Certaines choses avancent et je vais m’en expliquer.
Dans le consensus européen pour le développement, un socle de valeurs, de principes et d’instruments communs a été mis en place, complété par des politiques sectorielles. Je vous ai, par exemple, parlé de la gouvernance ou des politiques géographiques, notamment la stratégie Union européenne/Afrique agréée au niveau de l’Union.
Le développement est une compétence partagée selon le Traité et le restera sans doute dans un avenir proche mais les bases d’une véritable politique commune ont été clairement jetées, endossées et acceptées politiquement par les trois institutions de l’Union européenne. Cette approche de type fédérateur est nécessaire si l’Europe veut valoriser son leadership européen en matière d’aide au développement. Je pense qu’il est inutile de rappeler – mais je le fais quand même – que l’Union européenne est le plus grand bailleur de fonds en termes d’aide globale au développement. Environ 56% du volume de l’aide globale provient de l’Union européenne.
Sous l’impulsion de la Commission, les États membres ont pris, en 2005, la décision historique d’allouer 0,56% et 0,7% de leur PIB à l’aide au développement d’ici respectivement 2010 et 2015. De plus, l’Union européenne s’est engagée à ce que la moitié de ces 20 milliards d’euros supplémentaires par an, qui seront dégagés d’ici 2010, bénéficie à l’Afrique.
Concrètement, cela signifie que l’aide publique au développement annuelle de l’Union européenne devrait passer de 46 milliards d’euros par an à 66 milliards en 2010. Elle devrait dépasser les 90 milliards en 2015. L’Union européenne doublerait ainsi son aide entre 2003 et 2010, à condition bien sûr que les États membres respectent leurs engagements, ce qui est aussi loin d’être gagné! En effet, j’entends parfois des chefs d’État faire des discours extrêmement généreux, par exemple, à Rome à la FAO, annonçant avec une grande audace qu’il faut augmenter l’aide publique, alors que dans leur propre pays, ils ont commencé par la diminuer de 16%. Cette incohérence est assez curieuse! Notre rôle – et mon rôle à la Commission – est évidemment aussi de dénoncer cela, ce que nous avons d’ailleurs fait.
Je reconnais que les parlements nationaux peuvent nous aider grandement dans ce volontarisme politique qui est loin d’être présent. Pour vous donner une idée, en 2006, nous avons dépensé 47,6 milliards d’euros. En 2007, ce n’est plus que 46 milliards d’euros, à savoir 1,7 milliard d’euros en moins. Pour la première fois, non seulement on stagne mais on est en diminution! Quel est, politiquement, le prolongement de cela? C’est que, quand l’Europe ne progresse pas, les autres donateurs ont aussi tendance à s’autoriser une diminution ou une stagnation. En d’autres termes, ce n’est pas le meilleur argument pour entraîner les autres donateurs!
Au rythme où vont les choses, les Objectifs du Millénaire pour le développement ne seront pas atteints en 2015, en tout cas, pas en Afrique subsaharienne.
Alors que ce constat devient de plus en plus clair, la communauté des bailleurs de fonds tend, comme je viens de le dire, à décrocher par rapport aux engagements qu'elle avait pris en 2002, lors du sommet de Monterrey, sur le volume de l'aide. Cette situation est alarmante et nous devons la dénoncer.
L'Europe aussi décroche. La chute du volume de l'aide en 2007 en est la preuve. C'est un sujet majeur de préoccupation pour la Commission européenne. En effet, les promesses que nous avons faites ne sont pas tenues, ni nos engagements respectés. Cette défaillance collective de l'Union est inadmissible.
Les sommets d'Accra, de New York et de Doha vont mettre nos performances et nos faiblesses en lumière.
Certes, nous restons le partenaire le plus important des pays en développement, mais nous ne devons et ne pouvons en tirer aucune gloire. Nous avons échoué à accroître notre aide productive, l'année dernière.
Vous avez, pas plus tard qu'il y a quinze jours, reconfirmé les engagements politiques et les objectifs financiers de 2010 et de 2015. Il était important de le faire. Mais ces engagements, déjà pris en 2005, n'ont pas été tenus en 2007. Dans ces conditions, pourquoi pourrait-t-on encore nous croire? Comment pourra-t-on tenir nos promesses pour 2010 et au-delà.
Pour ma part, je n'ai trouvé qu'une seule solution à ce problème. Je l'ai proposée au Conseil qui a accepté de reconfirmer les engagements pris, mais avec toute une série "d'élastiques", de "petites menottes", de réticences ou d'échappatoires. J'ai également fait une autre proposition. Ainsi j'ai demandé de non seulement reconfirmer, mais aussi de présenter un plan pluriannuel de faisabilité de manière à avoir une sorte de "benchmark" permanent et de me donner la possibilité de faire un rapport, chaque année, concernant nos performances par rapport à nos engagements.
Je dois vous dire que cette proposition a donné lieu à un débat nettement plus ardu. En effet, on sent bien qu'un certain nombre d'États veulent clairement revenir sur leurs engagements de 2005. Il va donc falloir faire preuve d'une grande mobilisation et d'un grand volontarisme à ce sujet.
Je suis assez content, même si je suis un peu ennuyé de le dire, que la Belgique ait marqué son accord sur ses engagements sans rechigner. Elle n'a montré aucune réticence à ce sujet. Je suis très content, ce également à titre personnel. Mais je dois dire très objectivement que j'ai des craintes quant à un certain nombre de pays.
À mon avis, l'Europe ne pourra assumer son rôle de leader mondial que si elle rend son action extérieure plus cohérente. C'est l'objectif clef de la démarche de promouvoir une approche conjointe de tous les États membres et de la Commission.
Nous nous sommes mis d'accord, en 2005, sur des principes communs pour notre aide au développement en adoptant le consensus européen. C'était le premier pas à franchir. En effet, il fallait nous mettre d'accord sur une vision commune. Il fallait que les principes soient partagés, que nous ayons une même conception et, d'une certaine manière, une même stratégie. Mais la mise en œuvre de ces principes implique une cohérence et une coordination accrues. Il faut une cohérence entre nos politiques et nos objectifs de développement, d'une part, et une coordination entre les partenaires au développement des différents États membres, d'autre part.
Ce n’est pas un travail facile de maintenir la cohérence entre nos politiques. Je pense par exemple à la question des bio-carburants. Il est évident que la politique énergétique est plutôt favorable à une production de ces bio-carburants; attention cependant: cela peut créer une concurrence avec les intérêts des pays en voie de développement. On voit le rôle que cela a pu jouer dans le cadre de la crise alimentaire, même si, aujourd’hui, il est probable que l’on en exagère l'effet sur l’augmentation des prix. Il est évident, néanmoins, que si cela se poursuivait, ce ne serait pas sans conséquences. C’est un exemple qui illustre la difficulté de trouver des politiques cohérentes entre les intérêts bien compris de nos concitoyens européens et les intérêts bien compris du monde en développement.
Nous travaillons donc activement à ce sujet. Des études sont réalisées afin d’observer les effets d’une politique sur la politique de développement. Onze compétences ont été identifiées, et ce depuis 2005. Ces compétences peuvent avoir un effet sur le développement: à chaque fois qu’une mesure est prise, une étude d’impact est faite afin d’en mesurer les conséquences.
Nous avons progressé en 2003 et 2005 sur les dossiers agriculture et pêche, notamment en faisant évoluer nos politiques internes, afin que non seulement elles ne s’opposent plus aux objectifs de développement mais aussi qu’elles accompagnent nos efforts dans les pays en développement.
Je peux citer l’apport que constitue, dans un grand nombre de pays côtiers africains, la conclusion de nouveaux accords de pêche dont la dimension de développement est majeure.
En matière de commerce, l’UE est le principal partenaire commercial des pays les plus pauvres. Près de 40% de nos importations proviennent de pays en voie de développement. Nous avons le marché le plus ouvert aux pays en voie de développement. En 2003, environ 80% des exportations issues de ces pays sont entrées en UE, exemptées de taxes ou taxées à des taux réduits. Nous sommes le principal importateur de produits agricoles provenant de pays en développement, plus que les États-Unis, le Japon et le Canada réunis.
Nous travaillons à l’incorporation de la dimension développement dans les négociations de Doha et nous négocions les accords de partenariat économique avec les pays de la zone Afrique/Caraïbes/Pacifique dans le but de faciliter les échanges, d’intégrer les pays les plus pauvres à l’économie mondiale et d’appuyer le développement des capacités lorsque c’est nécessaire.
Si l’UE a développé les APE, suite à une décision de l’OMC, c’est parce qu’elle constate qu’en 50 ans d’aide au développement, les pays ACP ne parvenaient toujours pas à s’intégrer dans l’économie mondiale.
Nous croyons donc que ces nouveaux accords permettront une ouverture lente mais progressive du commerce des marchandises entre l’UE et les pays ACP. Elle sera immédiate pour les marchandises ACP exportées vers l’UE et graduelle pour les marchandises européennes exportées vers les pays ACP.
Les APE représentent bien plus que de simples relations commerciales; il s’agit ici d’opter pour une approche de véritable intégration régionale. Il ne s’agit donc pas d’ouvrir les marchés aux sociétés européennes aux dépens des producteurs ACP, comme certains l’ont prétendu à tort. Mais au contraire, il s'agit d’aider les pays en développement à élargir leurs marchés, à encourager les échanges de marchandises et à stimuler les investissements.
C'est de cette manière qu'ils pourront intégrer les marchés mondiaux et tirer un meilleur parti des opportunités qu'offre le commerce international.
Je voudrais faire une petite parenthèse.
Dans le cadre de la relance des négociations pour aboutir à ce qu'on appelle des "full" APE, je fais étudier pour l'instant le statut particulier du secteur agricole.
Il faut tout de même bien admettre qu'en Europe, on a toujours considéré l'agriculture comme un secteur spécifique de l'économie. On n'a jamais traité l'agriculture suivant les règles absolues de l'économie de marché. D'une certaine manière, l'Europe a développé des mécanismes que je ne qualifierai pas de protectionnistes, mais les puristes pourraient le faire car il s'agissait bien de cela. On a protégé ce secteur.
En ce qui concerne les APE, je me pose une question depuis le début.
Le contexte actuel de la crise alimentaire ne permettrait-il pas de développer des stratégies que j'appellerais de pacte régional, de politique agricole commune régionale ou sous-régionale, de manière à disposer d'une sécurisation et d'un filet de sécurité dans ce secteur prioritaire si on veut lutter contre la pauvreté?
Nous sommes donc occupés à travailler sur cette question. Il y a d'ailleurs un sujet politique auquel vous pourrez être confrontés à un moment donné. Il y a une réserve d'argent dans la PAC qui n'est pas dépensée. Nous discutons pour le moment au sein de la Commission sur la question de savoir si l'on ne pourrait pas utiliser ces moyens pour venir en appui notamment des réponses à apporter à la crise alimentaire. Toutefois, un réel problème se pose, un problème quasi institutionnel. Il faudrait passer cet argent de la rubrique 2 à la rubrique 4, ce qui ne serait pas un précédent, mais presque.
La grande crainte de ceux qui s'y opposent n'est pas de consacrer cet argent au développement mais de créer un précédent et de risquer d'être sollicités, par exemple, par le Parlement européen pour utiliser cet argent à toutes sortes d'autres choses. Vous savez que dès qu'on ouvrira la boîte de Pandore, tout le monde voudra téter la mamelle en question! C'est ainsi d'habitude, il n'y a donc pas de raison que cela change.
S'il existait un vrai consensus politique fort au sein du Conseil pour dire qu'il faut mettre le paquet sur le développement agricole en Afrique, cela pourrait aider, mais je vous dis tout de suite qu'on n'a pas la solution technique pour le moment au niveau de la Commission. On a fait cela une fois dans le passé et, malheureusement, quand on l'a fait, on a eu le tort de prendre l'engagement de ne plus jamais le faire. C'était pour Galileo. On se trouve maintenant confrontés aux difficultés techniques de savoir comment on peut canaliser ces moyens sur l'agriculture dans les pays les plus pauvres.
En matière de migration, une politique cohérente vise par exemple à limiter les effets négatifs de la fuite des cerveaux dans les pays en développement. Je pense que nous devons inverser le phénomène de fuite des cerveaux en attraction de cerveaux alors que les inégalités en matière de santé et d'éducation sont considérables dans les pays du Sud: les médecins, les infirmières, les chercheurs sont activement recrutés par les pays développés pour pallier les carences de leurs propres structures.
Je cite souvent cet exemple qui me fait frémir: il y a aujourd'hui à peine cent docteurs en médecine au Malawi, pour une population de douze millions d'habitants. Or il y a plus de cent docteurs d'origine malawite rien qu'au Royaume-Uni. Il ne faut pas restreindre le droit à la mobilité pour les populations du Sud mais nous devons en définir les modalités qui permettent de satisfaire les besoins des migrants comme ceux des pays d'origine et de destination.
Des solutions existent et c'est au niveau de l'Union qu'il faut les chercher. L'année 2008 sera une échéance décisive en matière de migration, notamment avec la conférence interministérielle de Rabat II en octobre sur la migration et le développement.
Cohérence des politiques, donc, mais aussi coordination entre les interventions communautaires et celles des États membres. L'architecture actuelle de l'aide internationale est intenable; c'est devenu une obsession pour moi. L'expérience que j'en ai eue à la Commission me montre une situation dramatique. D'abord, le fait que les États membres rechignent à participer à des consortiums ou à des programmes communs avec une division du travail un tant soit peu cohérente amène à des situations comme celle-ci: un pays comme la Tanzanie, relativement bien gouverné, compte plus de 600 projets rien que dans le domaine de la santé, de moins d'un million d'euros pour 22 donateurs différents. Le président Kikwete me demande quand nous allons comprendre qu'ils n'ont pas la capacité administrative de recevoir des centaines de missions. Rien que pour ces 600 projets, ils doivent traiter 8.000 rapports et 6.000 études par an. Peut-on continuer de la sorte?
J'entends dans tous les discours, notamment la déclaration de Paris, qu'on va tout faire pour arranger la situation, on fait des propositions d'harmonisation, on avance. On a établi un code de bonne conduite sur la division du travail. On oublie souvent un autre argument en la matière: si on n'accepte pas cette division du travail, on fait en sorte que certains pays soient orphelins de l'aide bilatérale. Certes, la Commission leur octroie une enveloppe mais c'est très inégal et très injuste. Il faut donc absolument progresser en la matière. Le code de division du travail a été accepté, avant la programmation 2008. On a même été jusqu'à proposer aux États membres de prendre le leadership de certains projets. On ne demande pas un leadership sur chaque projet mais dans une certaine division du travail, on peut déterminer que la Belgique prenne la tête de tel ou tel projet. Tout le monde mettrait alors de l'argent dans ce projet et on obtiendrait ainsi une économie colossale en frais administratifs et une économie d'échelle, sans compter un renforcement de la capacité d'absorption du partenaire. Ce problème est une de mes obsessions.
La cohérence, la coordination et l'augmentation des efforts européens en matière de volume d'aide sont les trois piliers de la communication sur le développement que la Commission a adoptée le 9 avril dernier et qui a fait l'objet de conclusions du Conseil fin mai. Une politique européenne de développement construite sur ces piliers assortie d'une approche plus moderne et plus stratégique devrait se traduire dans de véritables changements sur le terrain. Cette année 2008 nous permettra de montrer ce leadership européen lors des grandes conférences internationales d'Accra (sur l'efficacité de l'aide), de New York (en septembre sur les OMD) et de Doha (sur le volume d'aide).
Cette refonte de la politique de développement n’est pas chose simple, je le reconnais. Les résistances sont très grandes. La Commission peut inspirer par ses propositions et convaincre par son argumentation mais ce sont les États membres qui ont le dernier mot, parfois – je l’avoue – à ma grande frustration!
Devant ce défi permanent, on a toujours pu compter sur la Belgique. Nous n’avons jamais cessé de porter le rêve d’une Europe forte et ambitieuse, vecteur d’un grand projet politique humaniste. La modernisation de votre politique de développement qui est reflétée dans la note de politique générale en témoigne. Nous, Union européenne, sommes bien plus qu’une puissance économique. Je pense que nous sommes un modèle de développement. Ce sont là des valeurs communes. Il convient ici et maintenant de faire face au défi de la pauvreté. Je ne crois pas que la mondialisation soit ce croque-mitaine planétaire agissant au service de quelques-uns au détriment de tous. Il faut la réguler, l’encadrer et veiller, via nos grandes structures internationales, à lui donner une dimension humaine. La mondialisation ne se réduit pas à l’accroissement des échanges économiques. Elle ouvre l’esprit. Elle crée des ponts. Elle tisse des liens et structure le dialogue entre les peuples. Elle permet de réaliser le rêve de tout humaniste, c’est-à-dire créer de véritables chaînes de citoyens du monde, et d’offrir aux hommes et aux femmes des pays partenaires les moyens nécessaires pour qu’ils tracent eux-mêmes les contours de leur avenir et pour qu’ils choisissent librement les pages de cette histoire future auxquelles ils voudront bien nous associer.
Nous devons définitivement rompre avec le conservatisme paternaliste d’une relation donateur-bénéficiaire. Nous devons développer un agenda moderne et ambitieux qui couvre tous les domaines (les domaines politique, économique et les relations humaines). Ce qui est terrible, c’est que nous savons bien, les uns et les autres, ce qu’il faut faire. Nous avons les moyens financiers et techniques mais il manquera toujours la volonté politique. Les parlements sont mieux placés que n’importe quelle instance pour pousser les gouvernants à avoir cette volonté politique. C’est en tout cas ce à quoi je vous convie.
Il y a toute une série de dossiers et de sujets dont il faudra débattre. Personne n’a la vérité tout seul. Par exemple, si vous prenez le choix entre l’aide budgétaire et l’aide par projet, il n’y a pas de réponse unique. Je ne comprends pas pourquoi la Commission, pendant des années, s’est contentée de donner à des pays qui répondent à tous les critères et normes de l’aide budgétaire 24 à 25% de leur aide sous forme d’aide budgétaire. C’est tout simplement inadmissible et je le dis clairement! Ils étaient bons pour 25%. Dans ce cas, je ne vois pas pourquoi ils ne seraient pas bons pour 90%. Je ne dirai jamais 100% car on conserve toujours 10% pour des projets d’aide à la société civile, etc. Le Rwanda, par exemple, répond à tous les critères macro-économiques et de gouvernance. Celui-ci recevait 27% d’aide budgétaire. Il reçoit maintenant 85% d’aide budgétaire. Quand on mesure l’efficacité de l’utilisation des moyens, c’est sans comparaison par rapport à l’aide par projet. En effet, cela permet un réel ownership puisqu’ils sont les véritables maîtres de leur politique. Sont-ils maîtres aveuglément? Non, il y a des contrôles. J’ai d’ailleurs rencontré l’auditeur de la Cour des comptes qui suit ce dossier. Il est totalement favorable à l’aide budgétaire, beaucoup plus qu’à l’aide par projet, parce que, dans l’aide budgétaire, il y a un contrôle systématique et permanent sur 100% et vous voyez les résultats.
Si vous accordez de l'aide budgétaire pour financer la scolarisation des filles, vous pourrez vérifier quelques années plus tard le pourcentage des filles scolarisées, donc le résultat réel de cette politique. C'est très facile puisque les indicateurs existent. En outre, les suivis techniques budgétaires sont systématiques.
En cas d'aide par projet, comment se réalise le contrôle? Il n'est pas systématique, mais réalisé par sondages. Seul un pourcentage des projets est contrôlé.
Cette notion de fongibilité est un argument que j'entends souvent de la part des opposants à l'aide budgétaire. Je ne sais pas si c'est le cas ici, mais les parlements nationaux expriment souvent leur aversion la plus grande à l'égard de l'aide budgétaire. En effet, ils traduisent une sorte de méfiance foncière par rapport à l'utilisation et au contrôle de l'argent des citoyens; c'est juste, mais je tiens à dire que les contrôles sont beaucoup plus réels et vérifiables vis-à-vis de l'aide budgétaire que de l'aide par projets. Cela ne veut pas dire qu'il faut supprimer l'aide par projets. Elle est utile et remarquablement menée dans beaucoup de cas. Parfois pas, mais il est impossible d'exiger 100% de réussite.
Ces débats doivent avoir lieu. Ils doivent être menés honnêtement et aboutir à des décisions.
01.02 Philippe Monfils, sénateur (MR): Monsieur le président, madame la présidente, je voudrais d'abord remercier M. le commissaire de nous avoir exposé de manière approfondie la politique de l'Union européenne en matière de coopération au développement.
Sur la base de la note écrite qui sera certainement distribuée aux parlementaires dans le cadre du débat, il faudrait méditer sur ce qui a été dit.
Josy Dubié, président: Nous allons distribuer cette note immédiatement.
01.03 Philippe Monfils, sénateur (MR): Je voudrais faire trois remarques générales, sans entrer dans le débat de la coopération au développement, d'autres collègues sont plus armés que moi pour le faire.
La première concerne l'Afrique des Grands lacs. Tout le monde le sait, c'est Louis Michel qui, à l'époque, a mis l'Afrique des Grands Lacs dans la tête des décideurs, que ce soit à l'ONU ou ailleurs, et il n'a pas arrêté de le faire. Les explications qu'il a données concernant l'intervention de l'Union européenne dans ce secteur sont très bonnes. Le dialogue, et pas nécessairement la conditionnalité, est un langage, oserais-je dire – je suis parlementaire et pas diplomate –, qui tranche avec les menaces incantatoires que certains ministres ont proféré en bordure d'une piscine de l'ambassade de Belgique à Kinshasa. La position et l'approche du commissaire européen me paraissent plus intéressantes que les menaces et le doigt tendu à l'égard de certains pays, qui ont quand même avancé considérablement dans la voie de la démocratie. J'en sais quelque chose car j'ai été moi-même contrôler les élections à Kinshasa et à Goma.
La question que je pose ici est générale. Les Chinois interviennent partout, pas seulement en Afrique des Grands Lacs mais, par exemple, également en Angola et ailleurs. Comment se fait-il qu'ils soient aussi présents, comme les Indiens, sur un continent où, malgré tout, l'histoire rapproche les Européens et les Africains? La géographie aussi d'ailleurs car, même si l'Europe est un grand village, je pense que le quartier Europe est plus proche de l'Afrique que le quartier Chine ou le quartier Inde. Comment se fait-il que les Chinois soient de plus en plus présents avec parfois, il faut bien le dire, une série de conséquences au niveau du non-respect de conditions élémentaires des droits de l'homme? On sait comment fonctionnent les Chinois dans ce secteur, comme dans d'autres également.
Monsieur le commissaire, ma deuxième remarque concerne l'Union méditerranéenne proposée par M. Sarkozy. Elle remplacerait ou doublerait – ce n'est pas encore très clair – le partenariat euro-méditerranéen. Qu'en pensez-vous? Cela sera-t-il de nature à renforcer – et on pourrait s'en féliciter – la présence européenne dans les conflits et à faciliter une intervention croissante dans un effort de résolution des conflits sur les bords de la Méditerranée? Cela va-t-il entraîner un déplacement des aides financières vers d'autres pays? Quel est votre sentiment à ce propos?
Tout récemment, notre premier ministre était présent au Pérou dans le cadre d'une rencontre Europe-pays d'Amérique du Sud. Quel est, selon vous, le travail que doit mener l'Europe en Amérique latine? Des synergies intéressantes se présentent-elles? Comment envisagez-vous ce "partenariat", ces relations entre l'Europe et l'Amérique latine?
01.04 Miet Smet, senator (CD&V - N-VA): Mijnheer de commissaris, ik dank u voor de interessante uiteenzetting. Ik vind het jammer dat er niet meer parlementsleden aanwezig zijn wanneer er een Europees commissaris komt. Wij hebben er slechts een in België. Ik vind dat er ook een zeker gebrek aan verantwoordelijkheid van het Parlement zelf is.
Ik heb nog een paar bedenkingen en ik zou ook nog een paar vragen willen stellen.
De eerste bedenking en vraag gaat over de criteria van goed bestuur. U zegt dat good governance een van de hoofdlijnen is die de Europese Unie in de ontwikkelingssamenwerking volgt. Welke criteria hanteert men in verband met goed bestuur? Wat is geen goed bestuur? Wanneer zegt men van een land dat er geen goed bestuur is? Wat is het resultaat van die analyse bij de vaststelling dat er geen goed bestuur is? Wordt de hulp dan opgeschort, of wordt er druk op het land gezet, of wordt overgeschakeld van budgethulp naar een ander type van hulp? Wat is het resultaat van de constatatie dat er geen of te weinig goed bestuur is?
Ten tweede, daarbij aansluitend, Europa is waarschijnlijk de enige grote donateur die een aantal voorwaarden aan de ontwikkelingshulp stelt. Dat zegt men althans toch. Die voorwaarden zijn niet puur economisch, ten voordele van degene die het geeft. Men zegt altijd dat China en de VS absoluut geen voorwaarden stellen, dat de ontwikkelingshulp daar wordt gegeven met het oog op de economische ontwikkeling van het eigen land, dus van de donateur. Wij stellen voorwaarden op het gebied van mensenrechten, op het gebied van goed bestuur enzovoort. Klopt de analyse die in het algemeen wordt gegeven? Kan via de VN niet naar een meer algemene richtlijn worden gegaan, die door alle donateurs moet worden gevolgd en niet alleen door Europa en de Europese landen?
Een derde vraag is de volgende. Men zegt mij dat er een verschuiving is van specifieke projecten naar geld geven aan internationale organisaties. Men zegt daarbij dat heel veel geld gaat naar het functioneren van de organisatie zelf. Men heeft het over 30 tot 40%.
Is dat correct? Zijn daarover vanuit de Europese Unie analyses gemaakt? Is het een goede politiek dat men het geld vooral toeschuift naar internationale organisaties?
Ik kom op een volgend punt. Ik merk dat er een verschuiving is van het bepalen door het donorland aan welke projecten men geld zal geven, naar het bepalen door het ontvangend land voor welke projecten het geld wil krijgen. Men geeft veel meer inspraak aan het ontvangend land. De procedure die daarvoor wordt gevolgd, verloopt vaak via de ambassades. De ambassade kijkt in samenspraak met het land voor welke projecten er geld nodig is. Is dat een evolutie die men op Europees niveau promoot? Doet men dat ook in de andere Europese landen en niet alleen in België? Hoe zit het met de evolutie naar die manier van werken?
Ten slotte, u legt terecht de klemtoon op de coördinatie. Wij hebben ondervonden in Congo hoeveel projecten er in een bepaalde streek aanwezig zijn, zonder dat er veel coördinatie gebeurt. U legt terecht de klemtoon daarop. Wanneer u spreekt over coördinatie, spreekt u dan ook over specialisatie? Is het denkbaar dat bepaalde Europese landen specialist worden in een of andere sector, zodanig dat de coördinatie ook gemakkelijker wordt? Indien een bepaald land specialist wordt in gezondheidszorg en een ander land in onderwijs, dan wordt natuurlijk ook de coördinatie veel gemakkelijker dan wanneer twaalf landen elk een klein deeltje van het budget in onderwijs of gezondheidszorg investeren. Wordt dat gepromoot vanuit de Europese Unie? Hoe reageren de landen daarop? Het lijkt mij dat men die richting verder zou kunnen uitgaan.
01.05 Georges Dallemagne (cdH): Monsieur le président, madame la présidente, monsieur le commissaire, je vous remercie pour cet exposé extrêmement intéressant sur les nouvelles évolutions et initiatives en matière de coopération au développement. Vous avez raison de dire qu'on doit pouvoir, sur un bilan qui n'est pas toujours très glorieux, avoir de nouvelles approches, de nouvelles pratiques et de nouvelles initiatives.
J'ai quelques questions concrètes concernant ce nouveau contexte de la coopération internationale.
On constate l'arrivée en Afrique de ces nouveaux acteurs que sont la Chine, l'Inde ou quelques pétromonarchies en matière d'investissements économiques ou de coopération. Quelles sont les discussions que vous avez avec ces nouveaux opérateurs pour essayer d'harmoniser les pratiques et essayer de faire en sorte que ce soit une opportunité, et pas l'inverse, pour les pays où se concentrent ces nouveaux fonds? En ce qui concerne les fameux fonds souverains, quelles sont les discussions qui existent aujourd'hui au sein de la Commission européenne pour faire en sorte que ces fonds soient dédicacés à des enjeux de développement durable, pour qu'ils ne déstabilisent pas certaines économies et ne se présentent pas comme des fonds prédateurs de certains secteurs de l'économie pour éventuellement contrôler les ressources naturelles sans qu'il y ait un véritable bénéfice pour les populations?
Vous avez parlé, et mes collègues y ont également fait référence, de la bonne gouvernance qui est centrale. Je partage votre point de vue. Dans beaucoup de pays, on est frappé de voir à quel point des ressources financières et des ressources humaines sont dilapidées simplement parce qu'il y a des problèmes de corruption ou des problèmes de faiblesse ou d'incapacité de l'État. Cela pose un problème, Mme Smet en a parlé, il faut être certains des indicateurs qu'on utilise. Quels sont les tableaux de bord, quels sont les indicateurs? De quelle manière peut-on être le plus précis possible? Quand on en vient à injecter des fonds supplémentaires en fonction du niveau de la gouvernance, il faut qu'on s'entende sur ce point, sinon il risque d'y avoir des dérives de nature politique. Il risque d'y avoir des "chouchous", des pays considérés comme étant plutôt sympathiques auxquels on attribuerait des fonds complémentaires sur base d'une pseudo bonne gouvernance. Existe-t-il un mécanisme de type audit? Vous avez pris l'exemple du Rwanda qui doit bien gérer ses fonds sur le plan de la politique intérieure. Mais on sait aussi que le Rwanda n'est pas tout à fait étranger à certaines formes de déstabilisation dans l'Est du Congo. Il serait intéressant de voir quels sont les critères de gestion, de dépenses publiques ou politiques qui sont pris en compte. C'est un domaine éminemment complexe lorsqu'on juge la bonne gouvernance d'un pays.
Vous avez parlé des pays qui seraient orphelins de l’aide, mais à ce sujet, ne risquons-nous pas d’être confrontés à un problème, dans la mesure où les pays qui sont les plus pauvres, les plus misérables, sont justement ceux qui sont probablement les moins bien gérés? Nous risquons donc bel et bien de concentrer plus d’aide pour les pays qui bénéficient d’une meilleure gérance. Nous attribuerions entre 30 et 50% d’aide supplémentaire sur des critères de bonne gouvernance. Je ne remets pas en question ce principe, mais je pose la question des difficultés d’application, car bien souvent les pays les plus pauvres sont effectivement ceux qui sont les moins bien gérés.
Que fait-on face à une telle situation pour essayer d’injecter suffisamment de moyens dans ces pays?
Ensuite, en ce qui concerne la concentration, la cohérence et la coordination, je trouvais qu’il était intéressant lors du séminaire que le ministre de la Coopération avait organisé, il y a quelques semaines, d’entendre l'OCDE sur cette question. Ils en sont évidemment les grands promoteurs. Ils nous disaient qu’il fallait faire la différence entre les PMA et les Pays à Revenus Intermédiaires. C’est à dire que la question de la concentration ne se posait pas du tout dans les mêmes termes. Autant la Tanzanie avait d’énormes difficultés à absorber une série importante de projets, d’opérateurs et de bailleurs de fonds, autant la Colombie, c’est l’exemple qu’ils prenaient, n’avait pas du tout le même type de difficultés.
En revanche, comme vous l’avez indiqué, il est vrai que la coopération, c'est aussi et de plus en plus un dialogue politique. Car les enjeux de la coopération, ce ne sont pas simplement des masses financières que l’on transfère, mais c’est aussi la question des droits de l’homme, la question climatique et toutes les questions que vous avez relevées. Il est important que nous gardions des contacts avec des pays comme ceux là, à travers un partenariat qui effectivement est différent, mais qui se bat contre les inégalités, les iniquités. Un pays, par exemple, peut avoir un revenu intermédiaire et continuer à avoir des tranches de population qui soient extrêmement défavorisées et où il serait intéressant de garder une coopération.
Je pense que, dans le domaine de la concentration, ici en Belgique on débat à propos du nombre de pays intermédiaires. Il faut être attentif à ne pas mener une politique qui ne tiendrait pas compte des différences de type d’aide que nous devrions avoir avec chacun d'entre eux.
Enfin, au sujet de la politique agricole commune, vous aviez indiqué que parfois vous pouviez être en opposition avec certaines politiques de la Commission européenne. Comment menez-vous le débat actuellement, en tant que commissaire au développement, par rapport à la problématique des subventions agricoles européennes et de leur impact éventuel sur la coopération et la crise alimentaire?
01.06 Hilde Vautmans (Open Vld): Mijnheer de commissaris, alleszins hartelijk dank voor uw komst. Mijn excuses dat ik iets te laat was, maar ik heb uw nota toch heel snel even doorgenomen.
Wij hebben in de commissie eigenlijk al heel wat sprekers gehoord over onze Belgische wet van 1999 over de ontwikkelingssamenwerking. Ik moet u zeggen dat een aantal punten vandaag nog niet aan bod is gekomen. Ik wil u die toch even voorleggen, als het ware uw advies vragen, gezien uw expertise in ons land.
Een eerste debat dat wij hier vaak voeren, is of de Europese lidstaten zich moeten beperken tot een aantal concentratielanden. U weet dat wij er 18 hebben. Wij zijn van 25 naar 18 gegaan. Moeten wij verder concentreren of zegt u dat er andere mechanismen nodig zijn om de hulp efficiënter, coherenter en meer op mekaar afgestemd te maken?
Ten tweede, wij hebben in onze wet ook een definitie van het aantal sectoren. Onze minister van Ontwikkelingssamenwerking wil eigenlijk per concentratieland het aantal sectoren tot twee beperken, terwjil er in de wet nog vijf staan. Wat is uw gevoel over het aantal sectoren? In uw nota vermeldt u vooral dat infrastructuur toch wel heel belangrijk is. Wat is uw gevoel bij het aantal sectoren? Gaat het dan naar landen die zich moeten specialiseren? Is dat eigenlijk de teneur waar Europa ons naartoe wil sturen?
Een derde debat dat hier ook gevoerd wordt, zijn de verhoudingen tussen de verschillende mechanismen van ontwikkelingshulp. Ik hoor van u dat u een heel sterke voorstander bent van budgethulp. Ik moet u zeggen dat ik daar altijd enigszins sceptisch tegenover heb gestaan, maar dat ik wel de voordelen van budgethulp inzie. Eigenlijk denk ik dat er daar toch ook voorwaarden en beperkingen aan zijn. Denkt u dat ook ons land meer budgethulp moet geven, weg van de projecten? Misschien zijn dat gevaarlijke vragen die ik u stel, maar wij nodigen u natuurlijk ook uit om ons debat een beetje te voeden en onze reflectie wat pittiger te maken. Moet België meer naar budgethulp gaan?
Een vierde punt dat ik graag aan u wou voorleggen, is het volgende. Wij zijn het hier in de commissie volgens mij allemaal eens over het feit dat er meer coherentie moet zijn tussen de verschillende landen. Alle landen hebben een tamelijk budget. Wij hebben allemaal ingeschreven dat wij naar de 0,7 gaan. Hoe komen wij nu tot die grotere coherentie? U schrijft dat ook in uw beleidsnota. Welke instrumenten kunnen wij in onze wet inschrijven om die coherentie op Europees gebied te bereiken? Wij kunnen dat principe wel huldigen, maar uiteindelijk hebben wij een wet die de basis vormt. Hoe gaan wij daarmee om? Welke bepalingen raadt u aan om in onze wet in te schrijven om de coherentie tussen de Europese landen te bevorderen?
Ik geef een voorbeeld. Ik ben dit jaar twee keer in Congo geweest. We zien daar een aantal attachés van de coöperatie van de verschillende Europese landen. Ik kom daar de attachés van onze buurlanden tegen, maar eigenlijk hebben die geen gestructureerd overleg met de Belgische attachés van de coöperatie. Kan Europa daar een rol in spelen? Moet België daar een rol in spelen? Moeten wij dat doen in landen waar wij de lead hebben, waar wij erkend worden voor onze expertise? Hoe kunnen we een en ander ook op het terrein meer structureren?
Ten vijfde, we hebben daar onlangs in Tongeren nog over gediscussieerd, wat met B-Fast? Ik weet dat dat misschien niet binnen onze discussie kadert, maar het is ook een instrument om dringende hulp te bieden. U bent daar Europees mee bezig. Wat kunnen wij als land eventueel nog doen om u bij uw inspanningen op Europees vlak te ondersteunen?
Ik heb nog twee laatste punten. Het is mijn overtuiging als liberaal dat, ook al zullen we de middelen voor ontwikkelingshulp binnen alle Europese landen enorm opvoeren, die landen er toch niet snel genoeg bovenop zullen raken. We zullen moeten gaan naar een systeem waarin ook de privésector gestimuleerd wordt om te investeren in die landen. Wat gebeurt er in dat verband op Europees gebied? Wat zal België kunnen doen om dat te vergemakkelijken, te stimuleren, uiteraard met de nodige voorwaarden? Er is hier al veel gesproken over voorwaarden inzake mensenrechten bijvoorbeeld. Wat kunnen we doen? Wat is uw mening daarover?
Ten slotte, denkt u dat het zinvol zou zijn om als Europa en als België de link te leggen tussen ontwikkelingshulp en migratie? We weten allemaal dat er wel een link bestaat, maar moet het Europees beleid eigenlijk rekening houden met die link? Ik zal het heel concreet maken. Bent u er voorstander van dat wij bijvoorbeeld voor onze concentratielanden, wanneer we de lijst herzien, het criterium van migratie meenemen? Denkt u dat dat zinvol is? Denkt u dat dat nuttig is? Tot hier mijn vragen.
01.07 Louis Michel, commissaire européen: Tout d'abord, sans aucune flagornerie, je voudrais remercier les intervenants car toutes les questions témoignent d'une connaissance approfondie du sujet, ce qui me sera utile également car les débats sont loin d'être terminés au sein de la Commission.
Pour l'Afrique des Grands Lacs, il faut voir d'où on vient. Je me souviens qu'à la date où je suis devenu ministre des Affaires étrangères, en 1999, le Burundi était à feu et à sang, le Rwanda occupait la RDC et s'y comportait parfois de manière inacceptable, et la RDC n'était plus nulle part (plus de justice, plus d'administration, plus de politique de santé, plus d'éducation ou d'enseignement, aucun accès aux biens primaires, une capacité de gouvernance nulle) et elle était en plein conflit. Où en sommes-nous aujourd'hui?
Sur l'échelle de l'histoire, les années écoulées ne représentent pas une longue période. Nous avons certainement eu raison de nous impliquer et d'impliquer la communauté internationale dans la résolution de ces conflits. Ces conflits sont-ils définitivement derrière nous? Il ne faut pas rêver: en observant d'où on vient, on peut comprendre que la paix est fragile et qu'il faut tout faire pour consolider le fragile équilibre établi dans ces pays.
Aujourd'hui, je suis désolé de le rappeler, le Burundi a connu des élections démocratiques légitimées par les observateurs internationaux. Le pays est encore en difficulté. J'aborderai d'ailleurs à ce sujet un point dont nous n'avons pas encore parlé. Si vous faites des réformes, il serait bon d'y songer. C'est la question de notre capacité de réaction pour répondre aux besoins immédiats d'un pays en situation de post-conflit. Les instances internationales comme la Commission européenne, la Banque mondiale ou le Fonds monétaire international, toutes les grandes instances d'accompagnement des politiques de développement appliquent des règles et des procédures si complexes qu'il est impossible de réagir utilement et de démontrer à une population déterminée qu'il y a des dividendes à la paix.
Je pourrais prendre l'exemple de la RDC mais je ne le ferai pas à dessein: le plus bel exemple est celui du Libéria. Ce pays a connu une élection démocratique, la présidente du Libéria a une volonté farouche de redresser son pays, elle est prête à faire les avancées démocratiques les plus fortes, à lutter contre la corruption, à créer un État de droit; elle a seulement besoin d'un peu d'argent de manière immédiate, ne fût-ce que pour améliorer la capacité de son administration, pour montrer que tous ces efforts ont servi directement la population. Or nous sommes incapables de l'aider vite et fort. C'est un vrai sujet. J'ai posé cette question lors de la réunion du steering group de Ban Ki-moon pour laquelle je remplaçais M. Barroso. C'est également devenu l'obsession de la Banque mondiale. Nous n'avons pas la capacité de répondre vite et fort, de manière efficace, à des situations post-conflits pour permettre une période de consolidation des progrès politiques dans un pays déterminé.
Pour ce qui concerne le Rwanda, je dois dire que je suis – je pèse mes mots – admiratif devant la manière dont ce pays évolue.
On peut évidemment parfois se poser des questions du caractère parfois autoritaire du régime en place. Mais, pour ma part, je vois d'où le Rwanda vient. Voici une quinzaine d'années, un génocide abominable y a eu lieu et aujourd'hui, ce pays se reconstruit et essaie de se redonner une identité nationale en cherchant à l'expurger de ses reliefs les plus sordides.
Va-t-il réussir? Je n'en sais rien! C'est évidemment un pari. Mais je vois que l'argent qui est donné au Rwanda est parfaitement utilisé. Il fait de la décentralisation et ce, de manière active. Il mobilise fortement les instances décentralisées. On y constate des progrès importants.
En fait que veut ce pays? Il veut devenir la plaque tournante des services dans toute la région. Tel est son objectif et il investit massivement à ce sujet.
Pour ce qui concerne la RDC, ceux qui se sont rendus dans ce pays savent ce qui s'y passe effectivement. C'est un pays immense où il n'y a quasiment plus d'infrastructures, d'administrations. Tout le système judiciaire doit être reconstruit. Il n'y a plus d'armée. Il n'y a pas de véritable système fiscal digne de ce nom. C'est un pays, même une nation, mais ce n'est toujours pas un État.
Le véritable enjeu, le véritable défi pour le gouvernement et le président de ce pays, c'est de donner corps à un État, c'est-à-dire reconstruire toutes les grandes fonctions régaliennes d'un État classique.
Bien entendu, cela va nécessiter du temps. On trouvera toujours que les choses ne vont pas suffisamment vite. Mais il faut aussi, quand des régimes viennent de "basculer" – si je puis dire – formellement dans la démocratie, donner un peu de temps au temps.
Je ne disconviens pas que des messages doivent être passés. Cela relève du dialogue politique. Mais la manière dont ils doivent être passés appartient à chacun. Je ne suis pas ici pour juger la manière dont les uns et les autres s'y prennent pour ce faire. Mais pour ce qui me concerne – à partir de cet exemple, j'émettrai une autre considération tout à fait générale –, je suis dans le camp de ceux qui pensent que les discours moralisateurs, quand il s'agit des pays en voie développement ou, plus grave, les sanctions, ne riment à rien! Et je pèse mes mots! J'attends encore toujours que l'on me donne un seul exemple où les sanctions ont servi. En Irak, certainement pas! Les sanctions qui ont été prises ont juste permis de prolonger le régime de Saddam Hussein. En tout cas, ces sanctions ont empêché la moindre évolution. Si je prends l'exemple des pays qui m'occupent pas mal pour le moment et je pense à toute la Corne de l'Afrique: la Somalie, le Soudan, l'Éthiopie, l'Érythrée, les sanctions qui ont été prises n'ont servi à rien. Ou que quelqu'un me prouve le contraire! Mais en tout cas, pour ma part, je pense que non. Le refrain habituel d'(…) avec qui je suis en contact régulier, par exemple, tourne autour des sanctions.
(…): (…)
01.08 Louis Michel, commissaire européen: Cela, c'est très différent! Il y a eu une mobilisation à l'intérieur et à l'extérieur de l'Afrique. Vous avez raison de citer cet exemple, c'est sans doute le seul. David Miliband, avec qui j'ai parlé de Cuba récemment, vous citera l'Afrique du Sud et l'Iran. Je ne crois pas que, dans le long terme, les sanctions aient servi à quelque chose. C'est mon point de vue.
Je suis allé au Myanmar et si vous pensez que les sanctions vont ouvrir le moindre espace pour ceux qui voudraient être des rénovateurs, oubliez-les! J'ai eu l'occasion de parler avec pas mal de monde là-bas et on m'a dit que les sanctions les condamnaient à ne pas être divergents, c'est-à-dire que les sanctions consolident leur unicité. Les sanctions ne permettent pas à ceux qui ont une volonté d'ouverture de l'appliquer. Mais s'il y avait un dialogue, les rénovateurs pourraient s'y accrocher. Les sanctions conduisent à l'absence de dialogue. C'est une position qui m'est personnelle, tout le monde le sait. Je ne crois pas qu'on fera avancer les choses en agissant de la sorte.
De plus, avons-nous les moyens de faire appliquer les sanctions? Le Conseil de sécurité avait décidé en son temps de prendre des sanctions mais où sont les moyens pour les faire appliquer?
Josy Dubié, président: Vous avez raison mais je voudrais ajouter que cela a pu changer le régime en Rhodésie. Il y avait une volonté internationale et on a mis les moyens pour y arriver.
01.09 Louis Michel, commissaire européen: Le problème est qu'il n'y a plus, aujourd'hui, de volonté internationale une et indivisible. Pour le Myanmar, on sait très bien que si on prend une résolution au Conseil de Sécurité, elle sera arrêtée par les Chinois. Mais c'est un autre débat, dont il serait intéressant de parler.
01.10 Georges Dallemagne (cdH): Le corollaire de cela est qu'on peut se comporter comme on veut sans jamais être sanctionné.
01.11 Louis Michel, commissaire européen: Je ne le crois pas. Je ne dis pas que les sanctions sont à rejeter dans tous les cas de figure, je dis simplement que, quand on prend des sanctions, il faut qu'on sache qu'elles seront directement ciblées sur les responsables politiques du régime et pas sur la population. Il y a très peu de sanctions de ce type. Les seules sanctions qui présentent un intérêt à mes yeux sont par exemple l'interdiction des visas pour les ministres ou les membres du gouvernement. Je ne dis pas non à cela mais je ne vois pas à quoi peut servir le reste.
Je n'ai pas dit qu'ils pouvaient faire ce qu'ils veulent. Je suis pour le devoir de protéger, et même pour le droit d'ingérence. Si on prend le devoir de protéger, quels moyens avons-nous pour le faire? En Belgique, va-t-on défendre l'idée de mettre des militaires à disposition d'une force internationale pour utiliser la contrainte dans un pays donné? Nos pays sont-ils prêts à faire cela? Quels sont les pays en Europe qui sont prêts à faire cela? Quel pays européen est prêt à envoyer ses militaires au Darfour pour séparer les belligérants avec un mandat d'interception armé ou de riposte des Nations Unies? Si on parle de sanctions, il faut aller jusque-là!
Dans le contexte politique actuel, le vrai débat est de savoir si nous sommes prêts, au niveau européen par exemple, à envisager une mobilisation de militaires, dans un cadre déterminé, pour faire respecter le droit d'ingérence ou le devoir de protéger.
À ce stade-ci: "forget it"! Ce n’est pas vrai. Je le vois bien! Les limites de ce débat sont là!
01.12 Georges Dallemagne (cdH): Monsieur Michel, je suis d’accord avec vous sur le résultat et le bilan qu’on peut faire mais c’est quand même un aveu d’échec, une impuissance par rapport à l’idée qu’on pouvait avoir, voici une vingtaine d’années, des relations du monde, du devoir d’ingérence, de la question des droits de l’homme, etc. Les relations internationales sont aujourd’hui beaucoup plus brutales. Les valeurs que nous défendions sont en recul et nous faisons cet aveu d’impuissance. Les relations seront beaucoup plus dictées par un agenda que nous n’avons pas nécessairement voulu mais qui s’impose de plus en plus aux relations internationales.
01.13 Louis Michel, commissaire européen: Notre influence n’est pas déterminée par notre propre agenda. Elle est déterminée par l’agenda d’autres – je dirais quasiment au singulier – mais pas par notre agenda. Elle est déterminée par deux choses: par l’agenda extérieur d’une autre puissance et par notre incapacité à parler d’une seule voix à cette autre puissance. C’est la vérité!
Josy Dubié, président: Messieurs, revenons en aux questions qui ont été posées. C’est un débat en soi! Nous verrons ensuite s’il nous reste du temps.
01.14 Louis Michel, commissaire européen: L’Union de la Méditerranée a une vertu, celle de relancer le processus de Barcelone. Pour vous dire la vérité, je n’oserais jamais le dire publiquement mais je crois que, dans le contexte actuel, il y avait une certaine signification et du sens dans la proposition initiale du président français qui visait à créer une union entre les pays directement contigus. Nous sommes d’accord sur le fait que c’était en contradiction avec l’esprit d’unicité européenne mais, in abstracto, cela avait du sens!
Ce genre de relations existe. Ils se réunissent informellement et j’ai, d’ailleurs, un jour été invité à une telle réunion. Je me suis rendu compte que ce type de réunion avait du sens parce que cela répondait très directement à des problèmes très concrets. Pour des raisons que je comprends bien et pour une question d’équilibre politique à l’intérieur de l’Union européenne, dans le fond, cela doit être considéré comme une réactualisation de Barcelone. Je crois qu’il s’agit de cela; on ne peut pas y voir autre chose! Cela a donc une vertu, celle de relancer Barcelone, MEDA!
Quant à l’Amérique latine, c’est un partenaire de longue date. Certains pays en Europe, tels que le Portugal et l’Espagne, ont des liens historiques avec ces pays-là. Il y a aussi des pays émergents comme le Brésil mais aussi l’Argentine. Ce qui a fondamentalement changé, c’est que ces pays-là prennent de plus en plus conscience de leur force et avancent ainsi dans une posture d’indépendance par rapport au monde. C’est assez normal. C’est un peu ce qui se passe en Afrique par rapport à la Chine. Ces gens prennent conscience qu’ils peuvent être des acteurs majeurs politiquement parlant. Ils sont en train de se révéler à la notion de puissance et de capacité à influencer. C’est évidemment important. Tout comme vis-à-vis de l’Afrique, nous devons changer notre approche et les traiter avec un peu plus de respect autour des droits et des devoirs. Toute la question cubaine est aussi au cœur de ce débat. Là aussi, on a sanctionné et il y a eu un embargo sur Cuba. Si cela continue, les États-Unis auront normalisé leurs relations avec Cuba avant nous. Je crois que c’est ce qui va arriver!
Faut-il accepter n'importe quoi? Pas du tout! Monsieur Dallemagne, vous avez raison! Si, à certains moments, nous sommes amenés à dénoncer, cela va de soi, mais un dialogue s'avère bien plus enrichissant que l'affrontement permanent et l'isolement. Objectivement, il est aussi de notre devoir, lorsqu'un pays difficile fait des progrès ou pose des actes qui vont dans le sens de davantage de démocratie, de cesser d'être aveugles, de faire semblant de ne pas le voir. Les Cubains ont fait des progrès. De plus, il y a un momentum historique. Qu'on ne vienne pas prétendre le contraire! Dès lors, si on refuse d'aider des hommes comme M. Lage Dávila, vice-président de Cuba, qui manifestement est tenté de bouger, on le condamnera à rester dans sa posture habituelle. On perdra du temps! C'est tout ce qu'on fera!
En ce qui concerne la Chine, c'est très simple! Tout d'abord, je voudrais apporter un correctif à un certain nombre d'affirmations. Souvent, on me dit à propos de la Chine, que nous, Européens, nous mettons des conditions à l'octroi de notre aide. Il n'y a rien de moins vrai!
Dat is eigenlijk niet waar. Er zijn geen voorwaarden voor het bedrag. Ik geef het voorbeeld van Zimbabwe. Dat heeft nog altijd hetzelfde bedrag dat het had.
De enveloppe die het krijgt, heeft niets te maken met voorwaarden. Die wordt niet bevrijd onder voorwaarden. Het bedrag wordt bepaald volgens criteria zoals armoede, scolarisering, de grootte van de bevolking. Het wordt dus bepaald door criteria van zwakheden. Er zijn geen voorwaarden.
Er zijn alleen voorwaarden voor budgettaire hulp in landen zonder goed bestuur. Waar het niet mogelijk is budgettaire hulp te verlenen, spenderen wij dat door projecten te steunen van ngo's, soms lokale ngo's, agentschappen van de Verenigde Naties, het Rode Kruis of andere. Er zijn geen voorwaarden.
Er zijn wel voorwaarden voor de modaliteiten.
Le montant qui est attribué à chaque pays est accordé sur la base de critères de fragilité du pays: la population, la présence ou non d'infrastructures.
Je réponds en même temps à la question de savoir sur quelle base on objective l'octroi d'enveloppes supplémentaires "gouvernance".
Ik kan u eigenlijk helemaal geruststellen. Die criteria zijn heel gemakkelijk te bepalen.
Ten eerste, het criterium moet pertinent zijn. Wat betekent dat? Dat betekent dat het programma dat zij voorstellen gericht moet zijn op de zwakheden die werden bepaald in een dialoog met hen.
Ten tweede, het criterium moet kunnen worden gerealiseerd, het mag geen droom zijn. In sommige programma’s komt men met elementen waarvan wij zeer goed weten dat het helemaal onmogelijk is ze te verwezenlijken. Het moet natuurlijk werkbaar zijn. Toch moet het ambitieus zijn. Als het geen stap vooruit is in goed bestuur, dan wordt het niet aanvaard.
In feite is het zeer gemakkelijk om voor zwakke landen, zeer arme landen, zonder goed bestuur, die beslissing te nemen. Hun ambitie ligt dan lager. Als zij goede wil tonen door sommige programma’s voor te stellen, dan hebben ze eigenlijk toegang. Ik zal u de lijst geven en u zult zien dat de armste landen dikwijls 25% à 30% hebben. Er zijn slechts 5 landen die 30% gekregen hebben omdat het programma ambitieus is en zij in een trend zitten die helemaal aantoont dat zij dat kunnen. Dat zijn zeer arme landen. Ik weet niet uit het geheugen welke landen het zijn maar bijvoorbeeld Mozambique is daar bij. Zij hebben 30% gehaald. Voor de anderen is het in het algemeen 25%. Het zijn alleen de landen die echt een programma zonder ambitie hebben geleverd die slechts 15% halen. Ik kan u dus geruststellen. Zoals ik gezegd heb, speelt daar geen idee van sanctie. Het is enkel een positieve sanctie. Het zijn niet de beste leerlingen van de klas die het krijgen. Dat was ook de vraag.
Est-ce que ce sont les meilleurs qui vont recevoir le plus? Ce n'est pas du tout le cas. Ce sont ceux qui montrent qu'ils ont agi.
Il est vrai que cela se passe dans un dialogue politique avec nous.
U hebt mij ook gevraagd wat er gebeurt als men, bijvoorbeeld, budgettaire hulp verleent en de controle of monitoring aantoont dat het niet goed werkt of dat het geld dat men krijgt in concreto niet gerechtvaardigd is. Dan is er een opschorting. Bij budgettaire hulp wordt er iedere zes maanden een monitoringrapport ingediend, waarin wij kunnen zien of de doelstellingen die het geld rechtvaardigen, gehaald zijn. Dat wordt van nabij gecontroleerd. Wij kunnen dat stopzetten. Wij hebben dat trouwens al gedaan, bijvoorbeeld in Ethiopië, na de conflicten na de verkiezingen. Zij kregen voor 150 miljoen euro aan budgettaire hulp, maar wij hebben die hulp omgezet in lokale hulp. Wij hebben contracten opgesteld met de gemeenten en de lokale overheden, die het geld hebben gekregen voor sociale hulp, eigenlijk voor hetzelfde, maar het werd dan wel door de basisinstellingen geleverd. Dat werkt zeer goed. Zij verliezen het geld niet. Men verliest het geld niet, maar het geld wordt niet uitgegeven bijvoorbeeld in een land zoals Zimbabwe. Niet omdat wij dat hebben geweigerd, want wij hebben daar programma’s gefinancierd met ngo’s en allerlei operatoren. Het werd stopgezet omdat Mugabe het niet meer wilde. Hij heeft de Europese hulp geweigerd, behalve dringende hulp. Zo werkt dat.
U hebt een zeer gevoelige vraag gesteld naar de transparantie en naar de manier waarop het geld werd besteed door de agentschappen van de Verenigde Naties. Ik ken geen geval waarin 40 procent administratieve kosten werden aangerekend, maar ik ken wel gevallen waarbij het in het algemeen om 5 procent van het bedrag ging, terwijl men heeft geprobeerd om 14 procent te laten betalen, om allerlei redenen die niet goed waren.
U weet waarschijnlijk dat er een probleem bestaat tussen de Cocobu, de begrotingscommissie van het Europees Parlement, en de Commissie. De Cocobu verwijt de Commissie wat te soepel te zijn met de agentschappen van de Verenigde Naties. Daarom ijveren we ervoor om de agentschappen van de Verenigde Naties te verplichten duidelijker te zijn in hun rechtvaardigingen.
Wat is gewoonlijk het antwoord van de agentschappen van de Verenigde Naties? Zij antwoorden dat zij hun eigen systemen en procedures hebben, die zij ook vertrouwen. Hoewel zij het niet met zoveel woorden zeggen, vinden zij dat wij ook hun procedures moeten vertrouwen. Als hun procedures voor hun controlesystemen en controleapparaat duidelijk zijn, zouden wij er ook moeten in geloven.
Er is dus wel botsing qua transparantie en procedures tussen onze controleprocedures en met wat binnen de Verenigde Naties gebeurt. Wij werken daar ernstig aan, maar het is zo.
Ik heb hetzelfde probleem met en dezelfde terughoudendheid voor het principe van de verschuiving van specifieke projecten naar internationale fondsen. Ik beweer niet dat voornoemde fondsen niet nuttig zijn. In sommige gevallen zijn ze uiteraard nuttig. Het aids/hiv-fonds bijvoorbeeld was nuttig. Het heeft evenwel lang geduurd vooraleer voornoemd fonds nuttig werd. Er zijn immers ook problemen geweest. Dat mag ook eens worden gezegd.
Ik heb bijvoorbeeld geweigerd om een voedselfonds te steunen, dat enige weken geleden door de heer Jeffrey Sachs werd voorgesteld. Hij heeft trouwens een lobbycampagne gevoerd om de lidstaten, de Europese Commissie en het Europees Parlement te overtuigen. Er bestaan immers instellingen die kunnen doen wat hij door het voedselfonds wilde laten doen. Neem bijvoorbeeld de PAN, de FAO of de IFAD. Waarom moet dan nog een ander fonds worden opgericht? Ik heb hem trouwens gezegd dat ik wel begrijp wat hij wil, maar niet dat hij een nieuwe instelling wil creëren om te doen wat andere instellingen al doen.
Laten wij de anderen helpen via financiële mechanismen. Ik heb bijvoorbeeld een hervorming van de PAN voorgesteld. Ik weet niet of jullie dat weten, maar de PAN heeft geen budget. Het krijgt giften die in functie van de vraag, het nut of de hoogdringendheid staan. Zij kunnen dus niet op een ernstige manier proactief werken. Dat is een probleem. Dat is niet het geval voor de FAO. PAN en FAO moeten zich echter ook op hun core business richten.
(…): (…)
01.15 Louis Michel, Europees commissaris: PAN? World Food Programme.
Op dat vlak moet er dus voor mij een hervorming komen.
Ik steun helemaal de idee van specialisatie en concentratie. Het is trouwens niet mogelijk om coherent te werken met een quote of conduct of met een verdeling van de donoren of van het werk. Dat is tegenstrijdig met het feit dat de lidstaten nog veel landen hebben waarop zij hun hulp concentreren. Ik ben dus helemaal voorstander van een beperking van het aantal partnerlanden.
Het zou echter nuttig zijn, mocht al het voorgaande onder de Europese landen worden onderhandeld en bediscussieerd.
Ik ben dus helemaal voor een beperking van het aantal partnerlanden, maar het zou natuurlijk nuttig zijn om dit eens te onderhandelen of te bediscussiëren binnen de Europese landen, ook om geen onevenwicht te creëren. Dat is de richting die ik wil uitgaan. Zouden de lidstaten zich specialiseren, dan zou het zeer gemakkelijk zijn om hen in de leiding te zetten van sommige projecten of thema’s. Dat is veel gemakkelijker. Wij promoten dat dus helemaal.
Puisqu'il y a un point commun, je répondrai également à la question de la Chine.
Tout d'abord, j'ai une position de principe à ce sujet: il est extrêmement difficile de demander aux Africains qu'ils n'accueillent pas les Chinois ou qu'ils ne mettent pas en concurrence "développementale", si j'ose dire, ou partenariale, nos propres pays et nos propres institutions avec d'autres puissances, émergentes ou non, à partir du moment où je constate – sans porter de jugement de valeur – que la plupart des chefs d'État et de gouvernement européens, depuis des années, se sont tous précipités en Chine, presque à la queue leu leu, pour s'en faire un partenaire économique et commercial, et surtout pour ne pas rater la plus-value de la dynamique chinoise. Ce serait permis aux chefs d'État et de gouvernement européens d'agir de la sorte, mais ce ne serait pas permis, ce ne serait pas convenable, pour des raisons éthiques et morales, que les Africains le fassent? Sur le plan des principes, j'ai du mal à l'avaler.
Si nous vivons dans un monde global, il faut tout en prendre: les côtés positifs comme les contraintes. Ce ne serait pas convenable de nier aux Africains le droit de chercher des partenariats là où ils le peuvent.
Deuxièmement, je veux ajouter que la grande différence entre, par exemple, la Chine, sur le plan de la politique du développement et l'Europe, y compris les États membres, c'est que l'Union européenne travaille avec des dons. Il n'y a donc aucun risque d'endettement: nous donnons de l'argent qui ne devra jamais être remboursé. C'est notre manière d'aider; qu'on le fasse en payant des projets ou en finançant des infrastructures, il s'agit de dons. Et je rappelle que l'Union européenne – États membres et Commission – participe pour 46 milliards d'euros par an à la coopération au développement. Pour l'Afrique, cela représente à peu près 25 milliards par an.
La Chine ne travaille pas du tout de la même façon. Dans les pays riches en ressources minérales ou naturelles, la Chine travaille sous forme de prêts concessionnels. Le vocable est intéressant. Mais quel est le danger du prêt concessionnel? Après avoir donné notre position de principe, il me semble avoir le droit, ne fût-ce qu'intellectuellement et moralement, de nous interroger sur la manière dont l'aide au développement se fait avec la Chine, par exemple. Mes paroles ne sont pas critiques, mais il convient de se poser des questions.
Prenons le cas concret d'un prêt concessionnel avec la RDC, mais je pourrais choisir aussi l'Angola. La RDC recevra probablement un prêt concessionnel de 10 milliards de dollars: une première tranche de 5 milliards est déjà accordée et les discussions se poursuivent pour monter à 10 milliards.
En échange de ce prêt, que recevra la Chine? Elle recevra des concessions minières et minérales.
Bien entendu, la question qui se pose alors est celle de savoir pour quelle valeur la Chine peut, en contrepartie de ces 10 milliards, retirer des ressources naturelles du Congo. Autrement dit, jusqu'à quel montant la Chine peut-elle épuiser les ressources naturelles de ce pays?
J'ai lu avec beaucoup d'intérêt une interview du président de l'Assemblée nationale du Congo, parue dans le magazine "Jeune Afrique", si je ne me trompe, dans laquelle il défendait l'idée – et je la partage – qu'il n'y a pas de raison que ce pays refuse des moyens, si cela lui permet de financer un vrai développement durable. Il ajoutait que, pour le moment, les techniciens se demandent comment les 10 milliards de dollars seront rétribués. Certains experts évoquent une fourchette allant de 35 à 80 milliards de dollars. Il est évident que si une concession de 10 milliards de dollars donne lieu à une rétribution, – on ne sait pas selon quels termes – de 35 milliards de dollars, même s'il y a des frais de transformation, il y a une marge, mais on peut se poser la question de savoir s'il s'agit encore de développement. C'est là une vraie question. Cela doit faire partie d'un dialogue constructif et décrispé entre les responsables et nous. Nous avons le droit de poser des questions. Je ne veux pas émettre de jugement à ce sujet. Je dis simplement qu'il s'agit d'un élément important.
Un autre exemple, l'Angola. Si je me rappelle bien, ce pays a un prêt concessionnel de 5 milliards de dollars qui est remboursé par l'exploitation de trois sites pétrolifères pour une période donnée.
Il semblerait qu'il soit prévu dans le contrat entre la RDC et la Chine que si cette dernière ne peut pas extraire ce qui a été convenu, le prêt sera transformé en prêt classique. Il y aura alors un risque d'endettement ou de réendettement du pays.
Vous m'avez demandé quelle est l'attitude politique à avoir. En tout cas, je ne suis pas en faveur d'une politique risquant de mener "à la castagne" avec la Chine. Ceux qui adopteraient une telle politique feraient preuve de niaiserie.
(…): Wat bedoelt u daarmee?
01.16 Louis Michel, commissaire européen: Vechten, aanvallen, oorlog voeren, beschuldigen, confronteren maar nogal psychisch.
C'est tout le sens de la mission qui a été menée par le président Barroso et les neuf commissaires en Chine à un moment particulièrement sensible et politiquement difficile. On pourrait d'ailleurs débattre sur l'opportunité de cette mission. Pour ma part, j'estime qu'elle était opportune car il s'est vraiment passé quelque chose dans les relations entre la Chine et l'Europe à ce niveau-là. Il faut essayer d'ouvrir des partenariats triangulaires avec eux. Je vous donne l'exemple d'Inga en RDC. Si on veut refinancer les centrales d'Inga, notamment la nouvelle, un seul bailleur de fonds ne pourra le faire.
Il ne le financera pas parce qu’il ne prendra pas le risque tout seul. On peut mettre autour de la table la Banque africaine de développement (BAD), la Banque mondiale, la Commission européenne, le Fonds pour les infrastructures (BEI-Commission) créé avec Philippe Maystadt, mais aussi les Chinois s’ils sont d’accord. On a ouvert cette discussion et, normalement, je devais retourner en Chine à la fin du mois de juin. À cause des événements qui se sont produits, cela ne sera pas possible. En conséquence, le programme est reporté à début septembre.
Nous pouvons aussi développer des programmes triangulaires, notamment dans l’énergie alternative ou renouvelable. Je pense notamment à l’énergie solaire où la Chine a quelques expériences intéressantes. Ma stratégie par rapport à la Chine, c’est de tenter de les amener dans une coopération triangulaire avec nous. Nous allons avoir un problème technique. Nous devrons dès lors agir en partageant le travail. À cause de nos procédures, nous ne pourrons pas agir en étant véritablement intégrés dans un consortium. La "politique de développement" de la Chine ne doit pas s’appeler ainsi car la Chine n’a aucune approche en matière de développement dans ses relations avec l’Afrique. Sa seule approche est strictement économique. Mon interlocuteur chinois n’est pas ministre du Développement. En Chine, cela n’existe pas. Il s’agit du ministre du Commerce.
Non pas pour justifier mais pour être compréhensif vis-à-vis des leaders africains, je dois à nouveau parler de la rigidité qui régit nos procédures. Il faut bien se rendre compte du choix des leaders africains, notamment en période post-conflit lorsqu’ils ont besoin rapidement d’argent pour faire la différence et pour montrer qu’il y a des intérêts à la stabilisation. Ils ont le choix, d’une part, entre accepter les moyens rapides – je ne dis pas "l’argent facile" – de la Chine ou de certains autres pays émergents en prenant des prêts qui ne se trouvent pas dans le budget de l’État. Le remboursement ne les endette pas puisque ce sont des concessions. En réalité, ce qu’ils font, c’est vendre leurs ressources minières. D'autre part, il y a l’argent de l’Europe ou des bailleurs internationaux qui ne posent aucune condition mais il y a des procédures! C’est là où il y a un malentendu permanent, même chez nous. On dit que les Européens posent des conditions. Ce n’est pas vrai! Nous devons simplement suivre des procédures.
Quel est le citoyen européen qui accepterait qu'on donne 23 milliards d'euros – il s'agit du budget global du FED – ou les 500 millions à notre disposition – cela représente 125 millions par an environ – au Congo sans aucune procédure? Personne! C'est normal; je ne l'accepterai pas non plus. Il y a des limites.
Le problème de la relation entre la Chine et l'Afrique est là.
Prenez par exemple un président d'un pays qui vient de connaître une élection démocratique et qui se trouve devant un défi colossal. Qu'est-ce qui est important?
Prenez la RDC par exemple. Ce qui est important pour lui, c'est qu'il y ait rapidement des infrastructures, des routes – en plus, non seulement cela se voit mais c'est utile –, des écoles, des hôpitaux, etc. C'est cela qui est important Il doit pouvoir montrer durant son mandat, le plus rapidement possible, un changement physique et "infrastructurel".
Quelle est la proposition que nous lui faisons?
Je me rappelle quand je suis allé avec Wolfowitz. Nous avions un paquet, environ 300 millions de dollars pour 2007, que nous pouvions consacrer directement à des projets. On leur a demandé où étaient leurs projets mais ils n'en avaient pas. On leur a proposé de les aider à mettre des projets sur pied. Ils ont demandé quand ils seraient réalisés. On leur a répondu que si tout allait bien, on verrait les résultats dans trois ans. Dans le cas contraire, dans 15 ans. Je ne rigole pas.
Devant quel choix se trouve le président, qui est un homme politique? D'une part, il peut avoir 5 ou 10 milliards de dollars de travaux divers réalisés dans les 2,5 ans qui viennent, terminés, inaugurés et tout le tralala et, d'autre part, l'Europe propose un don qui ne coûte rien. Prendra-t-il d'abord l'argent qui vient facilement, remboursé par ses ressources naturelles de manière juste et honnête mais qu'il recevra directement ou le système de la communauté internationale qui est bouclé, bien conçu, qui offre toutes les garanties. Dans un cas, il peut montrer rapidement qu'il transforme son pays, dans l'autre il le montrera au compte-gouttes, lentement au travers d'arcanes administratifs difficiles.
Monsieur Dallemagne, vous parlez d'audit. Je vous comprends mais dès que j'entends les mots "audit", "consultant", "pré-mission", "mission", "évaluation", je deviens à moitié fou. Sur toutes ces questions, je suis certain que vous réagiriez comme moi; nous sommes plus proches qu'on ne le pense.
Je veux bien vous transmettre le tracé d'un dossier. On a la traçabilité du dossier mais il faut quasiment un bureau d'audit pour nous tracer la traçabilité des audits, tellement c'est compliqué! Quand je dis cela, cela fait rire tout le monde, mais je n'exagère pas! C'est la vérité! Il y a beaucoup de bureaux d'études, compétents ou pas, qui se chargent de cela en suivant des procédures sur lesquelles le commissaire n'a aucune prise. Je n'ai absolument aucun pouvoir de dire oui ou non.
Vous connaissez la question de la Communauté économique des Pays des Grands Lacs (CPGL). C'est essentiel pour le Burundi, le Rwanda et le Congo. Il y a une dimension économique, sociale, politique puisque cela met ces trois pays dans une perspective économique commune. De plus, on sait que cela règle des problèmes particuliers des trois pays. À la Commission, il a fallu que je subisse une pré-mission. Des fonctionnaires partent là-bas pendant trois, quatre ou cinq jours pour étudier le sujet, pour lequel on dispose par ailleurs d'énormément d'informations. Ensuite, il faut désigner une mission, puis il faut désigner des intervenants extérieurs, des consultants qui n'ont rien à voir avec la Commission. Puis, il faut aller vers ce qu'on appelle le "quality support group", c'est-à-dire tous ceux qui n'ont rien à voir avec le développement et qui mettent leur nez dedans! Cela prend des semaines et c'est la réalité! La délégation envoie le dossier et quand telle ou telle personne de tel ou tel département qui n'a rien à voir avec le développement a des hésitations, tout le dossier repart à la délégation! Puis, la délégation reparle avec les autorités locales, et ainsi de suite! Il y a un dossier qui a fait l'aller-retour vingt-deux fois!
Tout cela est ancré dans des règlements et dans des procédures. Je peux vous garantir que je peux mettre du leadership sur ce sujet, vous connaissez mon tempérament. De temps en temps, cela explose! Cela avance mais les États membres devraient comprendre – et je réponds ici à la question concernant la Chine – que si on veut être dans une position plus flexible, il faut revoir un certain nombre de règles.
01.17 Georges Dallemagne (cdH): Je suis moi-même un ardent défenseur de la simplification des procédures. Pour préciser la question, il ne s'agissait évidemment pas de compliquer les choses, mais d'avoir une définition précise de la bonne gouvernance, car celle-ci peut signifier tellement de choses différentes. Ce peut être les moyens dépensés sur le plan militaire, la manière dont on traite ses forêts...
01.18 Louis Michel, commissaire européen: Par indicateur, on entend, par exemple, le pourcentage du budget consacré à l'armée. Un autre indicateur est, par exemple, le pourcentage ou le trend en haut ou en bas de la scolarisation des filles, l'ensemble des éléments qui touchent à la santé, à la collecte fiscale. Tout cela, ce sont des indicateurs. Nous avons les indicateurs de l'OCDE, des Nations Unies, de la Banque mondiale et nos propres indicateurs. Nous disposons ainsi d'une grille de lecture de la bonne utilisation ou non de l'argent, notamment de l'aide budgétaire qui est réelle.
Personnellement, j'ai été très frappé de la rencontre que j'ai eue avec l'auditeur de la Cour des comptes. J'ai été très surpris. Je ne m'attendais pas du tout à cela. Il m'a dit: "Pour nous, Cour des comptes, il est facile de faire un monitoring serré de la manière dont l'aide budgétaire est utilisée, techniquement et matériellement, en termes de transparence". Très honnêtement, il m'expliquait qu'il est plus difficile de systématiser le contrôle de tous les partenaires. D'ailleurs, je pense qu'on doit examiner dans l'aide budgétaire sectorielle la possibilité d'introduire -c'est une des seules obligations que l'on pourrait imposer -, dans le système, des partenaires extérieurs, qu'il s'agisse d'ONG internationales ou locales, qui pourraient être des partenaires d'utilisation de l'aide budgétaire. Eu égard à ce qui précède, le rôle des parlements est, par exemple, extrêmement important.
Il n'y a aucun doute - c'est mon avis - sur la nécessité de réduire le nombre de pays de concentration. Une concertation s'indique naturellement avec les autres pays européens de manière à éviter les pays orphelins. Mais il est clair que l'efficacité du code de conduite sur la division du travail, sur la cohérence et la coordination sera, sans doute, praticable quand les pays auront fortement diminué le nombre de pays de concentration et encouragé la spécialisation à 100%.
U hebt mij gevraagd hoe men privé en publiek kon stimuleren. Wij hebben een businessforum Afrika/Europa gesticht en dat werkt nogal goed. Wat is het doel van zo’n forum? Het doel is mensen van de ondernemingswereld van Afrika en mensen van de ondernemingswereld van Europa bijeenbrengen. Zij geven raad aan de verschillende regeringen om hun wetgeving te wijzigen om een goed investeringsklimaat te creëren. Het belangrijkste is dat dit te maken heeft met governance.
Het zijn raadgevingen die zij uiten, bijvoorbeeld qua belastingsysteem. Het gaat over de garanties die zij willen om op een correcte manier te worden behandeld. De Europese ondernemingen vragen niet om geen belastingen te moeten betalen. Zij zijn helemaal bereid om belastingen te betalen maar zij willen dat op een faire manier doen en niet “geraketteerd” worden. Dat is het verschil.
Dernier point, sauf si j'en ai oublié, la politique agricole commune. Depuis 1992, puis avec la réforme de 2003 et récemment avec le bilan de santé de mai 2008, elle a clairement évolué vers une politique de limitation des distorsions du marché. L'aide est de plus en plus découplée de la production et on a réduit les subsides à l'exportation. L'Europe contribue ainsi à la libéralisation des marchés agricoles au niveau mondial et elle crée plus de possibilités d'exporter pour les pays en voie de développement. C'est bien, mais il faut formuler quelques remarques pour relativiser les dogmes.
En effet, tous les pays en voie de développement ne profitent pas d'un marché libéralisé. Ceux qui exportent à prix compétitifs comme le Brésil en profitent; ceux qui importent des produits alimentaires en profitent si et dans la mesure où la libéralisation stimule la production et fait baisser les prix. Mais ceux qui exportent maintenant vers l'Union européenne dans le cadre préférentiel de Cotonou vont forcément perdre à cause de l'érosion de leur préférence.
La libéralisation du commerce mène aussi potentiellement à une plus grande volatilité des prix; on en a la preuve aujourd'hui. Enfin, l'impact sera différent pour différents groupes au sein d'un même pays: les grands producteurs en profitent en général, à l'inverse des petits producteurs. De là aussi l'importance de favoriser l'émergence d'une société civile qui ait les moyens de peser dans la balance. Prenez l'Europe: je ne crois pas que les politiques auraient spontanément protégé l'agriculture européenne. Ce sont les organisations syndicales agricoles qui constituaient de puissants lobbies et ont poussé les hommes politiques à prendre leurs responsabilités. La réponse est donc très nuancée. Comme il s'agit de nourriture, nous avons intérêt à donner un traitement particulier à ce secteur.
Je reste persuadé qu'un des aménagements auxquels on doit penser dans les limites de nos possibilités, dans le cadre des accords de partenariat économique qui doivent encore être négociés pour arriver à des partenariats complets, c'est la constitution d'un plan Marshall régional avec l'agriculture qui aurait droit à un traitement spécifique.
Le problème de l'agriculture dans la perspective du développement est multiforme. On ne parle jamais de la question de l'accès aux terres. C'est un premier problème. Par exemple, au Burundi, quand un homme meurt, son épouse ne peut devenir propriétaire de la terre. Ce sont des corrections qu'il faut apporter. Et ce n'est qu'un exemple; le problème n'est pas aussi simple.
Il y aussi toute la question de la filière agricole, de l’accès aux semences et engrais et de l’accès à la technologie. Les infrastructures de désenclavement ont toute leur importance même en Inde mais aussi au Congo, dans la région de Goma. La plupart des agriculteurs de la région de l’Est – ceci n’a rien à voir avec le conflit – produisent beaucoup plus que ce dont ils ont besoin pour leur propre consommation mais tout pourrit sur pièce: ils ne savent pas l’amener au marché le plus proche qui est le marché de Kigali car il n’y a pas de piste. Il n’y a rien! Les infrastructures de désenclavement sont donc essentielles. Or, ceci peut se faire sur le plan régional. Cela a d’ailleurs été prévu dans les accords de partenariat économique.
En ce qui concerne la volatilité des prix, je sais bien que les puristes du libre-échange n’aiment pas cela mais ne faut-il pas, à un moment donné, un mécanisme sous-régional ou régional qui établit une garantie des prix? En effet, si votre prix n’est pas garanti et que celui-ci subit une dépression, de nombreux hectares ne seront plus cultivés l’année suivante. Tout cela est lié et il faut bien s’en rendre compte.
Je suis allé dernièrement à une réunion intéressante plutôt informelle à Salzbourg, notamment en présence de Kofi Annan. Toute une série d’organisations internationales qui s’occupent d’agriculture s’étaient réunies et, à cette occasion, j’avais préparé un dossier que j’ai défendu concernant les bio-fuels. Il faut en parler et voir où c’est possible ou non. Il est clair que, dans un pays qui n’est pas autosuffisant, c’est assez fou de pousser aux bio-fuels.
En ce qui concerne les OGM, je n’ai toujours pas compris pourquoi on prenait la science en otage. Pourquoi faut-il "cracher" sur la science, alors qu’elle peut être utile? J’attends toujours qu’on m’explique si ce principe soi-disant de précaution à 100% est viable. Ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit! Je n’ai pas dit que j’étais favorable aux OGM mais je me refuse à condamner ex abrupto une opportunité pour l’autosuffisance. C’est tout ce que j’ai dit! Je peux néanmoins comprendre que ces sujets soient controversés mais parlons-en! Arrêtons par une sorte de diabolisation ou par préciput de refuser d’en discuter car on est contre! Je signale qu’en Europe, on mange des OGM, bien qu’ils soient interdits dans un certain nombre de cas. Je ne tiens cependant pas à polémiquer sur le sujet, même si ces sujets font partie de l’agriculture.
Par exemple, pour avoir accès à nos marchés, tout ce qui est mise à niveau des standards qualitatifs est indispensable. Certains produits transformés devraient pouvoir venir chez nous, à condition qu’ils répondent à des standards qualitatifs. Tout cela relève de la technologie et nous pouvons transférer cela! Nous pouvons apporter tout cela sur le plan régional.
01.19 Jean-Paul Procureur, sénateur (cdH): Monsieur le président, monsieur le commissaire, il est toujours très frustrant d'intervenir dans une deuxième volée de questions, mais j'aimerais quand même poser une question générale et deux questions spécifiques.
La question générale: vous avez répété votre conviction, votre credo selon lequel la mondialisation n'est pas à l'origine des injustices. Vous avez même ajouté qu'il serait possible de créer une mondialisation humaniste – très beau qualificatif –… Oui, j'avais cru entendre "humaniste".
01.20 Louis Michel, commissaire européen: Vous avez songé à "humaniste", vu votre parti!
01.21 Jean-Paul Procureur, sénateur (cdH): Je suis sûr que vous l'avez dit. Ou alors, c'était un lapsus.
En même temps, vous dites qu'il faut réguler la mondialisation, vous avez parlé non d'États forts mais d'États mieux structurés, vous avez parlé d'Europe forte. Je sais qu'il n'existe pas de recette miracle, mais pourriez-vous quand même vous montrer plus concret? Comment faire pour réguler la mondialisation?
01.22 Louis Michel, commissaire européen: Comme je l'ai souvent écrit, qu'est-ce que le problème de la mondialisation? Dans le fond, il faut savoir le pourquoi de l'émergence de la puissance économique. L'Europe a connu cette économie puissante et la connaît toujours. Le grand avantage de l'Europe, c'est qu'elle a maté, formaté, humanisé la force, la dynamique, l'énergie du marché par le contre-pouvoir politique.
01.23 Jean-Paul Procureur, sénateur (cdH): Et syndical.
01.24 Louis Michel, commissaire européen: Pas seulement. Oui, le syndicalisme est un élément indiscutablement important, mais le politique aussi. Les partis politiques, en fonction de leurs programmes, défendent des visions de partage de la prospérité, et autres. Par exemple, le principe de la capacité contributive du citoyen par rapport à l'impôt, voilà autant de principes européens.
L'Europe a donc réussi à créer non pas un modèle unique, qui n'existe pas encore, mais une culture modélisée de la politique sociale qui fait que les travers, les excès, les risques, les dévoiements, les dérives de l'économie de marché sont dans un carcan, sous contrôle. Et même sous contrôle du peuple, puisque la démocratie va de pair. Au niveau mondial, cela n'existe quasiment pas: le pouvoir politique n'existe pas en tant qu'instrument face aux pouvoirs économique et financier.
C'est ainsi que je ne suis absolument pas d'accord avec les altermondialistes. Ils posent de bonnes questions, mais certains demandent la suppression de l'OMC. Là, je ne suis pas d'accord. L'OMC est la seule organisation qui tente, un tant soit peu, d'organiser le marché, de le réguler. Est-ce suffisant? Bien sûr que non! Pourquoi cela ne va-t-il pas assez loin? Parce que certaines puissances économiques y pèsent de tout leur poids et freinent cette évolution.
Les Nations Unies et son Conseil de sécurité: ce Conseil de sécurité reflète-t-il aujourd'hui, de façon équilibrée, la réalité du monde? Bien sûr que non. La composition du Conseil de sécurité est un relief de l'histoire.
Je ne dis pas que c'est bien ou mal. À mon avis, cela ne permet pas d'avoir une réponse un tant soit peu unique au niveau mondial, par exemple concernant les excès de la mondialisation. Une partie de la réponse à la question que vous posez, et que nous nous posons tous, réside notamment dans la réforme des institutions de Bretton Woods et dans la réforme des Nations Unies.
La réforme des Nations Unies se fait progressivement. Par exemple, ECOSOC n'a pas encore aujourd'hui le pouvoir d'injonction qu'il devrait avoir. J'ai toujours défendu l'idée qu'il fallait donner à ECOSOC un pouvoir similaire avec une meilleure représentativité mais avec une représentation plus équilibrée des réalités du monde. Il faut lui donner un pouvoir d'injonction au moins du même type que celui du Conseil de sécurité. S'il n'y a pas ce pouvoir, il n'y a pas de gouvernement du monde.
Le problème est là, il n'y a pas de gouvernement du monde, il n'y a pas de parlement du monde. Le parlement du monde devrait être l'Assemblée générale des Nations Unies. Mais il y a un petit hic qui sert ceux qui ne veulent pas de cela: comment voulez-vous considérer que le parlement du monde qu'est l'Assemblée générale des Nations Unies soit légitime à partir du moment où y siègent des gens dont on sait qu'ils ne sont pas démocrates? Que font ceux qui veulent continuer à considérer les Nations Unies comme une boîte à outils essentiellement dans leur intérêt? Ils tirent prétexte de ce que l'Assemblée générale des Nations Unies est composée par des gens qui ne sont pas démocrates pour ne pas lui donner un pouvoir sérieux.
Il y a eu des avancées, il y a eu des aménagements mais je pense qu'il faut des réformes beaucoup plus poussées. Certains disent qu'il faudrait aller beaucoup plus loin.
Il faudrait qu'on modifie la manière dont les votes sont répartis à la Banque mondiale ou au Fonds monétaire international, où les intérêts des plus riches sont plus pris en compte que les intérêts des plus pauvres. Je défends l'idée d'une révision des droits de vote.
Il ne faut pas rêver, il n'y a pas de solution ex cathedra. On ne peut pas régler ce problème pays par pays, il faut nécessairement des échelles d'ensembles.
À mon avis, les pays émergents vont avoir un effet plus grand qu'on pourrait le penser. La question est de savoir si ces pays émergents vont rester des alliés des plus pauvres ou s'ils vont devenir des alliés des plus riches et des plus forts. Je ne parierais pas encore là-dessus, c'est une belle réflexion. Quand je vois comment se comportent certains pays émergents vis-à-vis des pays pauvres, cela n'annonce rien de bon pour l'avenir.
La brutalité avec laquelle ils traitent les pays les plus pauvres est effarante. Il n'y a pas un pays riche qui oserait l'afficher comme eux le font aujourd'hui.
Josy Dubié, président: Je pense qu'on n'ouvrira pas le sujet cette fois-ci. Je suis désolé, monsieur Procureur, mais beaucoup de nos confrères ont maintenant d'autres rendez-vous.
Je remercie le commissaire pour cette intervention.
Je crois que nous devrons, monsieur le commissaire, vous réinviter car nous n'avons pas épuisé le sujet.
01.25 Louis Michel, commissaire européen: Monsieur le président, je suis votre humble serviteur.
Josy Dubié, président: En tout cas, merci pour votre disponibilité.
La réunion publique de commission est levée à 12.20 heures.
De openbare commissievergadering wordt gesloten om 12.20 uur.